mardi, avril 12, 2005

Elections présidentielles de juin 2005 - Du conservatisme et de la vitalité de la scène politique

Courrier international - 11 avr. 2005
ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE EN IRAN - Du conservatisme et de la vitalité de la scène politique

Les rituels électoraux se poursuivent et s'intensifient dans la république islamique d'Iran, qui en fait la mesure de sa légitimité et de sa crédibilité auprès de l'opinion internationale ainsi que de ses adversaires. Certes, les hommes qui s'y investissent sont ceux-là mêmes qui occupent la scène politique depuis vingt-cinq ans. Toutefois, le système politique a fait preuve d'une très grande flexibilité. Dès 1988, la Constitution de 1979 a été révisée. Mais son application et ses limites n'ont pas cessé d'être un sujet de débats et de tensions entre les différents groupes politiques. La demande, par une fraction des réformateurs, d'un référendum statuant sur l'opportunité d'une nouvelle révision aurait pu se transformer en crise ingérable. Mais les dirigeants ont coupé court à la manœuvre, et l'approche de l'élection présidentielle (le 17 juin) a mis un terme à la polémique.

L'ensemble des forces politiques affirment se situer dans le cadre de la Constitution, se contentant pour certaines d'entre elles de regretter qu'elle ne soit pas intégralement appliquée. Le président sortant, Mohammad Khatami, a ainsi fait observer que l'on n'avait pas usé de toutes les potentialités de la Loi fondamentale.
Il faut ici souligner que la Constitution, au même titre que le Coran, se prête à l'exégèse. Elle semble ainsi être à la fois un cadre légitime de l'action politique et une ressource d'innovation quant à ses modes. Ainsi va la république islamique d'Iran entre des moments de crise et des moments d'apaisement à l'initiative des républicains soucieux de sauver l'"honneur" d'un système dont dépend leur survie. Cela ne doit néanmoins pas faire négliger le renouvellement progressif de celui-ci, dont les élections, aussi imparfaitement démocratiques soient-elles, sont l'un des mécanismes. D'ores et déjà, la prochaine consultation permet d'observer un certain nombre de tendances.

• La frénésie associationniste. La formation des partis ou des groupes politiques, seuls en mesure de présenter ou de soutenir un candidat, s'intensifie lors de chaque élection et révèle une société aux émois républicains apparemment inépuisables.

• La tendance à la bipolarisation. Non sans résistance, on assiste à la multiplication, dans le camp réformiste comme dans celui des conservateurs, de réunions destinées à dégager un candidat d'union. Mais la recherche de l'homme providentiel a cédé la place à celle du candidat le mieux accepté par l'électorat. Au sein des deux courants, le choix du champion est conditionné par les sondages autant que par l'avis des personnalités morales et religieuses ou des élites politiques.

• Les acteurs politiques rivalisent de légalisme et de constitutionnalisme, y compris pour déterminer la date du scrutin. L'institutionnalisation de la République se poursuit à travers ce formalisme.

Il sera plus difficile pour le Conseil des gardiens de la Constitution de faire du zèle et de récuser des candidats désignés à l'issue de longues consultations au sein des grandes factions politiques en lice. De toute façon, tant chez les réformateurs que chez les conservateurs, le choix semble pouvoir se porter sur un candidat susceptible de rassembler, c'est-à-dire éloigné des extrêmes.

Bipolarisation, voire américanisation, du jeu politique ? Quoi qu'il en soit, le principe de la présélection des candidats, qui s'est progressivement affirmé à l'occasion des législatives, va de pair avec la mobilisation des groupes politiques ou professionnels, ou, dans les provinces, des particularismes locaux. La logique qui domine la présidentielle, prise entre le rejet de tout monopole au bénéfice d'une faction et le souci de sauver l'honneur du système, semble plutôt de nature collégiale. Hachemi Rafsandjani, Ali Akbar Velayati et Mir Hossein Moussavi transcenderaient les clivages factionnels au profit de la concorde nationale et républicaine. Encore faut-il que la société iranienne abandonne à nouveau le champ politique à une élite néorévolutionnaire, qui reste réticente à toute ouverture envers d'autres forces et enfermée dans son huis clos.

Fariba Adelkhah

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