lundi, février 29, 2016

La ruée vers l'Iran

Le départ de laurent Fabius du Quai d'Orsay est l'occasion de faire le point sur l'action de la France à l'étranger depuis 2012. À côté de quelques ratés et de succès comme la COP21, d'autres dossiers laissent une impression plus mitigée, voire négative.

C'est le cas du dossier iranien marqué par l'accord de juillet 2015 sur le nucléaire, la visite du président Rohani à Paris et l'engagement officiel de l'Iran aux côtés des occidentaux en Syrie. Rappelons que la France, en la personne de Fabius, s'est longtemps opposée avec fermeté, à la signature d'un accord à minima sur le nucléaire, alors que les autres négociateurs avaient très vite baissé pavillon. La France a eu raison d'avoir cette attitude qui désormais lui donne le droit et même le devoir de rester attentive et exigeante pour la suite des contrôles sur le nucléaire. Nous pouvons d'ailleurs nous attendre à quelques sérieux dérapages.

Les industriels qui se précipitent en Iran, vont découvrir une situation bien différente de celle que leur fait imaginer l'image souriante et débonnaire du président Rohani qualifié souvent de « modéré ». Or, « modéré », il ne l'est que dans la forme. Rohani est en réalité un redoutable stratège qui s'est parfaitement adapté à un système qui est tout sauf modéré.

Le pouvoir suprême n'est, en effet, pas exercé par le Parlement comme dans tout pays démocratique, ni par le Président de la République qui joue, en Iran, plutôt le rôle de premier ministre. Il est d'ailleurs significatif que cette fonction (de premier ministre) qui était prévu dans la Constitution initiale de 1979, a été supprimée à l'occasion de la révision constitutionnelle de 1989. Le pouvoir réel est entre les mains d'un personnage unique dans son genre: le Guide suprême. Les lois, les décrets, les jugements n'ont d'effet que s'il ne s'y oppose pas. Ce guide, est coopté dans le milieu des grands ayatollahs selon une procédure parfaitement verrouillée et non démocratique par le Conseil des experts.

Le système électoral qui pourrait constituer une amorce de système démocratique, est très étroitement encadré. Les candidats à une élection ne peuvent se présenter que s'ils y ont été autorisés. Rohani lui-même était passé sous les fourches caudines. Et il ne faut pas croire que ce contrôle n'est que pur forme. Ainsi, 90% des candidats soi-disant modéré pour les prochaines élections ont été écartés. Dont... le petit-fils de Khomeiny qui, s'il avait pu accéder au l'Assemblée des experts, aurait pu peser sur la désignation du prochain Guide suprême dans un sens qui ne convenait pas à l'actuel détenteur du titre.

Mais un autre phénomène doit être mis en lumière qui aura et a déjà des effets dans la vie des affaires et donc dans la réussite ou l'échec de nos entreprises parties à la conquête des marchés iraniens. Le Guide suprême et son entourage, contrôlent des biens commerciaux et industriels provenant parfois de confiscation aux ennemis du régime.

Ce n'est pas tout : lors de la révolution, l'armée et, certains grands services hérités de l'époque du chah qui ont refusé le terrorisme théocratique de Khomeiny, ont perdu sa confiance. D'autres entités ont été créées pour les doubler, chargées à la fois de fonction répressive et économique. L'exemple le plus connu ce sont les "Gardiens de la révolution" ou Pasdaran, qui à la fois servent d'armée et de police du régime et contrôlent de nombreux secteurs économiques comme le nucléaire, le commerce international, l'énergie etc.

Or l'idéologie des Pasdaran n'est pas celle dont Rohani fait l'étalage dans ses relations avec l'étranger. En outre, malgré la levée partielle des sanctions, la force spéciale Qods et certains commandants des Pasdarans restent classés parmi les organisations terroristes des Etats-Unis. 

Les relations commerciales avec les Pasdarans sont donc risquées. Les USA ont confié à une agence du Trésor, l'Office of foreign assets control (OFAC), la surveillance de ce secteur. Selon, les milieux d'affaires qui s'y sont déjà frottés, l'actuel directeur de l'OFAC, John Smith, conçoit sa mission "comme une croisade" (JDD, 31 janvier 2016). Voilà qui devrait donner à réfléchir.

D'autant que d'une façon plus générale, faire des affaires avec l'Iran peut signifier une participation aux violations quotidiennes des normes universelles de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) qui déplore régulièrement les cas de violations liées à l'activité économique en Iran. Celles-ci sont nombreuses : recours au travail des enfants, absence de syndicats libres (avec des dizaines de syndicalistes emprisonnés et même tués pour avoir revendiquer ce droit), absence de protection légale pour les salariés victimes d'abus, discrimination à l'égard des femmes qui ne peuvent accéder à certaines professions, de même que pour les minorités religieuses ou ethniques et les dissidents politiques.

L'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), se charge de s'assurer que les entreprises ne contribuent pas à des violations des droits humains à l'étranger. Faute de respecter leurs responsabilités en matière de droits humains, les entreprises françaises s'exposent donc à des risques juridiques et au danger de discrédit. Le manquement aux codes de conduite définis par l'OCDE peut conduire à des poursuites.

Miser sur le gouvernement Rohani est aussi un pari politique très risqué. La faction Rafsandjani-Rohani est de plus en plus mise à mal par l'intransigeance du guide suprême. À la tête de la faction dure qui domine le régime, Khamenei a, rappelons-le, récemment cautionné la décision d'écarter de nombreux candidats soi-disant "modérée" pour les législatives du 26 février. Depuis l'accord sur le nucléaire, en juillet 2015, le Guide n'a cessé de mettre en garde contre les dangers de "l'infiltration occidentale" et de s'opposer à toute ouverture politique à l'intérieur.

Cette crispation fragilise d'autant plus Rohani que le prochain parlement risque d'être toujours contrôlé par les gardiens de la révolution et les durs du régime. Cette tendance ne présage pas une libéralisation de l'économie, contrôlée en 50 à 70% par les Pasdaran et les fondations affiliées au Guide. Une situation intenable pour tout investisseur étranger qui ne souhaite pas avoir affaire à des militaires extrémistes.

Par exemple, Peugeot ne doit pas perdre de vue que la société Iran-Khodro avec laquelle il vient de signer un accord, est une filiale du SETAD, décrit par Reuters « l'une des organisation les plus puissante et les plus opaques d'Iran », un gigantesque conglomérat d'une quarantaine de firmes créé en 1989 et contrôlé par le guide suprême. Les activités économiques des Pasdaran et du SETAD servent à financer la machine de répression à l'intérieur, les groupes islamistes et terroristes dans la région et la terrible guerre de Bachar Assad contre sa population.


Source : Le Huffington Post, 24 février 2016, par François Colcombet Président de la Fondation d’Etudes pour le Moyen-Orient (FEMO)

Le plus gros fonds souverain au monde autorisé à prêter à l'Iran

Le fonds de pension public norvégien, plus gros fonds souverain au monde, est de nouveau autorisé à acheter des obligations d'État iraniennes grâce à l'accord sur le programme nucléaire de ce pays, a annoncé jeudi la Norvège.

Le fonds, qui pèse près de 7.000 milliards de couronnes (environ 735 milliards d'euros), avec un objectif de 35% sous forme d'obligations, ne peut plus depuis janvier 2014 acheter des titres de dette de Corée du Nord, Syrie et Iran, trois pays soumis à des sanctions internationales.

Après l'accord nucléaire signé en juillet 2015 avec les grandes puissances, les sanctions économiques contre l'Iran sont toutefois en passe d'être progressivement levées.

"Le ministère des Finances a donc, en accord avec le ministère des Affaires étrangères (...), décidé que les restrictions concernant le négoce d'obligations d'État iraniennes soient levées", a indiqué le ministère dans un communiqué.

L'accord conclu l'an dernier à Vienne entre l'Iran et le groupe P5+1 (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine et Allemagne) limite le programme nucléaire iranien au nucléaire civil en échange d'une levée progressive et réversible des sanctions économiques imposées à l'Iran depuis 2006.

Source : L'Orient le jour, 18 février 2016

Élections législatives : l'impact sur l'ouverture économique de l'Iran

 Les élections législatives iraniennes se sont tenues ce vendredi 26 février. Pour Denis Bauchard, elles seront déterminantes pour l'avenir de l'Iran, notamment sur le plan économique.


Denis Bauchard a été attaché financier pour les pays des Proche et Moyen Orients, ministre conseiller, chargé des questions économiques à la mission permanente de la France auprès des Nations Unies, ambassadeur en Jordanie puis directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient au ministre des Affaires étrangères. Il a été président de l'Institut du monde arabe. Il est conseiller pour le Moyen-Orient à L'Institut français des relations internationales (Ifri).


LE FIGARO. - Quels sont les enjeux des élections législatives iraniennes, quels changements en attendre?

Denis BAUCHARD. - Les enjeux des élections législatives iraniennes sont majeurs pour l'avenir politique du président Rohani, et de manière générale pour le devenir de l'Iran, à la fois sur le plan politique et économique. Rohani a besoin d'un Parlement qui soit plus coopératif que ne l'est l'actuel, afin qu'il adopte facilement les réformes engagées. Les Gardiens de la Constitution, une instance qui filtre les candidatures pour les élections, a éliminé un certain nombre de réformateurs. Mais il semble que de nombreux candidats conservateurs modérés sont proches des idées de Rohani, et donc prêts à le soutenir.

Quel est le poids du Majlis sur la vie politique iranienne?

Ces élections ne seront vraisemblablement pas truquées. Ce que dira le Guide, Ali Khamenei, après les résultats influencera l'attitude des nouveaux parlementaires. En Iran, il n'y a pas de parti: ce sont des candidatures individuelles s'inscrivant dans différents courants, mais il n'y a pas de partis organisés, structurés de partis comme ils peuvent exister en Occident. Le Parlement iranien n'a pas de pouvoir très important, mais il a un pouvoir de «nuisance»: il peut gêner le président de deux façons. D'une part en ne votant pas les lois qu'il porte - c'est ce qui était arrivé au président Khatami (1997-2005), dont la politique réformatrice avait été obstruée par les blocages du Parlement -, d'autre part en n'approuvant pas ou en destituant individuellement des ministres - ce qui était arrivé sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad.

La question qui se pose est la suivante: Rohani pourra-t-il mener la politique, notamment économique, qu'il estime indispensable pour redresser le pays?

A la tête du pays depuis 26 ans, quelle a été l'évolution et quel est le bilan du guide suprême Ali Khamenei?

L'âge et la santé déficiente du Guide rendent probable l'avènement, au cours des huit ans du mandat des nouveaux parlementaires, d'un nouveau guide. Mais de même que les candidadures aux élections législatives ont été filtrées par les Gardiens de la Révolution, de même, les candidatures de religieux à l'assemblée des experts , trop éloignés de la ligne de Khamenei ont été écartés, notamment le petit-fils de l'ayatollah Khomeini, qui a la réputation d'être libéral.

En effet, il existe deux courants au sein des religieux. Certains dans la lignée de Khamenei soutiennent le velayat -è faqih, c'est à dire l'idée que le pouvoir devait être aux mains des clercs . A l'inverse, un certain nombre de religieux estiment que leur rôle n'est pas de tenir le pouvoir politique. L'enjeu est de savoir si la République islamique demeurera théocratique ou si le Guide définira les grandes orientations tout en laissant la main et le pouvoir politique au président.

Khamenei est resté le même sur ses principes, mais il a connu une évolution. Il a contribué à l'échec de Khatami et de sa politique de réformes. Ensuite, il a favorisé l'élection, puis la réélection d'Ahmadinejad. Ce dernier, prenant goût au pouvoir, a fait de l'ombre au Guide, à qui il s'est opposé à la fin de son second mandat. Le Guide a laissé faire l'élection de Rohani ; il a estimé qu'après les fortes tensions de 2009 [ndlr: le soulèvement qui a suivi l'élection présidentielle opposant Mahmoud Ahmadinejad à Mir-Hossein Mousavi, entachée de soupçons de fraudes], il convenait de calmer le jeu . Il a fait confiance en Rohani, avec lequel il entretient de bonnes relations.

Depuis l'arrivée de Hassan Rohani à la présidence de la République islamique, la politique de réforme économique s'est intensifiée. Un chantier à poursuivre?

Sur le plan de la politique intérieure, le redressement d'une économie sinistrée est le défi relevé par Rohani. La question de la levée des sanctions extérieures est évidemment primordiale, mais elle n'est pas la seule. Sous Ahmadinejad, il y a eu une mauvaise gouvernance économique se traduisant par un manque d'investissements, une inflation galopante, un très fort taux de chômage, en particulier chez les jeunes. Un autre défi est celui du respect des droits de l'homme dont la situation ne s'est pas améliorée depuis l'élection du nouveau président. Comment se positionnera le nouveau parlement sur la question de la liberté d'expression? Malgré l'élection de Rohani, la société reste verrouillée, un certain nombre de journalistes sont poursuivis, la peine de mort reste largement utilisée…

Avec la levée des sanctions, les exportations de pétrole, qui se trouve à un niveau très bas (1 M/bj) vont augmenter de façon progressive mais interviendront dans un marché très déprimé. La reprise des financements et du commerce avec les Occidentaux va se faire très progressivement car les modalités de levée des sanctions par l'OFAC (Office of Foreign Assets Control), l'agence du Trésor chargée de programmer et de faire respecter les sanctions, n'ont toujours pas été entièrement précisées. Les banques étrangères demeurent par conséquent extrêmement prudentes, notamment quant au financement des investissements en Iran.

Lorsque Rohani est venu à Paris, fin janvier 2016, il a fait savoir qu'il appartenait aux entreprises étrangères d'apporter les financements nécessaires à la réalisation des investissements ou des contrats commerciaux, notamment pour l'achat des 118 Airbus prévus. Mais les entreprises françaises ont en mémoire la décision d'un tribunal américain qui a imposé une amende record de 9 milliards à la BNP en mai 2015 pour non respect des sanctions . Or les Etats-Unis ont maintenu des sanctions motivées par les atteintes aux droits de l'homme ou des actions de terrorisme, dont certaines datent de 1996. Les Européens en particulier restent ainsi très prudents, compte tenu de l'usage abusif du principe d'extra-territorialité du droit américain qui fait que libeller un contrat en dollars US vous rend justiciable des tribunaux américains.

Les réformateurs ont-ils raison de capitaliser sur l'électorat féminin et jeune?

Les conservateurs suscitent en effet une réaction de rejet d'une majorité de jeunes et de l'électorat féminin. Mais ce scrutin sera sans doute marqué par une abstention importante. Un certain nombre de jeunes sont désabusés sur la capacité du pouvoir à changer de poltique. La politique de Rohani, notamment son accord sur le nucléaire, n'a pas encore modifié substantiellement la vie quotidienne des Iraniens, la levée théorique des sanctions venant juste d'intervenir. 

Quelles seront les répercussions de ces élections sur l'ouverture de l'Iran au monde extérieur?

Quel que soit le résultat, il n'y aura pas d'inflexion sensible. L'accord nucléaire trouvé avec les Etats-Unis n'est pas synonyme d'un apaisement durable des relations irano-étasuniennes. La lutte contre les «infiltrations», c'est-à-dire le risque d'ingérence voire de «regime change» mené par les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, devrait se poursuivre. La politique moyen-orientale, en Syrie et en Irak ne connaîtra pas de changement sensible. L'alliance stratégique avec le régime syrien, qui remonte à 1970, reste toujours en place. Mais on peut espérer que les Iraniens, inquiets des progrès de Daech, favoriseront une solution de sortie de crise, qui pourrait être concertée avec la Russie et les pays occidentaux.

Le Figaro du 28 fevrier 2016


dimanche, février 14, 2016

zone interdite pour les grandes banques américaines

L'Iran reste une zone interdite pour les banques américaines en dépit de la levée de certaines sanctions, une interdiction frappant également leurs rivales étrangères souhaitant utiliser le dollar.


« De façon générale, le principal embargo américain reste en place », a déclaré récemment devant des parlementaires John Smith, le directeur de l'Office pour le contrôle des avoirs étrangers (Ofac), qui dépend du Trésor. Si l'administration Obama a accepté de lever depuis mi-janvier des sanctions nucléaires contre Téhéran, elle continue d'imposer un embargo lié aux violations des droits de l'homme et au terrorisme.


Baptisées « sanctions principales », elles interdisent aux Américains d'effectuer tout investissement lié à l'Iran. Les sanctions dites « secondaires » s'appliquant aux non-Américains ont été levées. 

« Rien n'a changé pour nous », confirme à l'AFP un banquier new-yorkais. « Nous ne pouvons pas accorder de crédit ou financer d'activité liée de près ou de loin à l'Iran », poursuit-il sous couvert d'anonymat. 

Les sociétés iraniennes, le gouvernement iranien ou des Iraniens ne peuvent ainsi toujours pas ouvrir de comptes auprès de banques américaines.

Pourtant, à Wall Street, on ne cache pas que l'Iran, dont tous les pans de l'économie sont à reconstruire, offre beaucoup d'occasions. La plupart des banques ont ainsi recruté des cabinets d'avocat spécialisés et des experts pour leur dire ce qui était possible de faire ou pas au cas où la situation se débloquerait. « Nous continuons de surveiller les développements en Iran », confie laconiquement Kamran Mumtaz, un porte-parole de Citigroup.

Menaces


La même prudence s'applique aux grandes banques étrangères présentes aux États-Unis puisqu'elles « doivent continuer à s'assurer qu'elles n'effectuent aucun paiement ni aucune transaction en dollars impliquant l'Iran via les institutions financières américaines », prévient l'Ofac.


Aucun paiement en dollars à une entité liée à l'Iran n'est autorisé, ajoute John Smith, menaçant de représailles toute infraction. « Ceci signifie qu'une personne non américaine qui fait des transactions importantes ou fournit un service matériel (lié à l'Iran) risque d'être coupée du système financier américain », argue le responsable. 

En 2014, les autorités américaines ont infligé une amende record de près de 9 milliards de dollars à la banque française BNP Paribas pour avoir notamment effectué des paiements en dollars liés à l'Iran.


Les banques doivent isoler tout argent iranien des actifs américains et renforcer leurs contrôles internes, renchérit le cabinet Clifford Chance, qui a réalisé un memo pour JPMorgan. Il explique que « beaucoup d'entreprises voulant faire des affaires ou investir en Iran (...) risquent de connaître des tensions en interne entre des personnes qui voudront tirer profit des opportunités offertes et celles dont les responsabilités sont de gérer les risques et la conformité aux lois ».


Les États-Unis ont aménagé quelques exceptions très encadrées : les banques peuvent financer ou prêter de l'argent aux entreprises ayant obtenu une licence spéciale du Trésor pour vendre des pièces détachées d'avions de ligne ou procéder à la révision de moteurs d'avions iraniens. Boeing et General Electric ont obtenu de telles autorisations. « Nous pouvons aussi octroyer un crédit ou financer des entreprises important des tapis iraniens ou des produits alimentaires » tels des pistaches et du caviar, indique un banquier new-yorkais.


Même dans ce cadre, « il subsiste un grand nombre de risques », met en garde Howard Mendelsohn, de Camstoll Group, faisant remarquer que les gardiens de la révolution contrôlent de nombreux secteurs de l'économie. Or, ils font partie de la liste américaine des organisations terroristes qui comprend 200 entités et individus.


« Il est difficile de dire à qui appartient quoi en Iran. Il y a un gros manque de transparence (...) » dit à l'AFP un expert, recruté par Wall Street sur la question.


Dans ce contexte, les établissements américains préfèrent rester sur la touche de peur d'entacher leur image.

Luc OLINGA/AFP

www.lorientlejour.com

lundi, février 08, 2016

Les assureurs ont des perspectives prudentes vis-à-vis de l'Iran

Les assureurs internationaux s'intéressent beaucoup à l'Iran, à la suite de la levée des sanctions internationales touchant le pays, et ils pourraient manifester leurs intentions dès le mois de mars, lorsque certaines sociétés iraniennes solliciteront un renouvellement de leurs polices.

Assureurs, réassureurs et courtiers veulent exploiter un marché représentant 7,4 milliards de dollars (6,85 milliards d'euros) de primes, l'accord sur le nucléaire passé entre Téhéran et les grandes puissances occidentales ayant débouché sur la levée de l'encadrement des transactions financières avec l'Iran ce mois-ci.

Allianz, Zurich, Hannover Re et RSA, entre autres, ont fait savoir ces derniers jours qu'ils évaluaient les possibilités offertes par l'Iran. 

De l'avis des experts, les secteurs maritime et de l'énergie sont les plus prometteurs. L'assurance-vie également dans la mesure où elle représente moins du dixième de toutes les primes payées en Iran contre plus de la moitié au niveau mondial.


Assureurs, réassureurs et courtiers veulent exploiter un marché représentant 7,4 milliards de dollars (6,85 milliards d'euros) de primes, l'accord sur le nucléaire passé entre Téhéran et les grandes puissances occidentales ayant débouché sur la levée de l'encadrement des transactions financières avec l'Iran ce mois-ci.

Il est probable que dans un premier temps les assureurs internationaux s'allieront à des sociétés iraniennes pour profiter de leur expérience locale et pour réassurer les assureurs locaux sur le marché international, ajoutent les experts, les courtiers les aidant à ces fins.
Les assureurs américains ne pourront pas en profiter car il leur est encore interdit de faire des affaires en Iran en raison de sanctions nationales qui restent en vigueur.
Les contrats d'assurance de certaines sociétés iraniennes arriveront à échéance à la fin de l'année perse, fin mars, et, à l'exemple de ce qui se pratique dans les pays occidentaux en janvier, elles solliciteront leur renouvellement. Il pourrait y avoir dans le lot de ces sociétés des assureurs souhaitant renouveler leurs polices de réassurance. 
"Nous avons eu suffisamment de visites (de firmes étrangères) (...) Reprendre les affaires pourrait être rapide, mais cela dépendra des conditions qu'elles nous proposent", explique Mohammad Asoudeh, vice-président et directeur général d'Iranian Reinsurance. Sassan Soltani, directeur du développement régional d'Iran Insurance Company, dit que la société a été contactée par des assureurs et courtiers britanniques et japonais.
EN ATTENTE DE NOTATION
La levée des sanctions est toutefois une condition nécessaire mais non suffisante pour faire de l'assurance en Iran.
Le fait que les sanctions américaines restent en place soulève des interrogations sur la possibilité qu'auront les autres assureurs étrangers de faire des opérations en dollar avec l'Iran sans s'exposer au risque d'être eux-mêmes mis à l'index.
Pour autant, United Insurance Brokers (UIB), un courtier basé à Londres, confie qu'il s'occupait de réassurance en Iran avant que ne tombent les sanctions internationales et ajoute qu'il compte rouvrir son bureau de Téhéran "dès que possible", selon son président Bassem Kabban.
"Nous avons cessé notre activité à cause des sanctions mais nous avons maintenu les salaires de nos employés sur place durant les 66 derniers mois", dit Bassem Kabban, ajoutant que se posait le problème pour les assureurs d'un éventuel actionnariat américain ou de l'existence de filiales américaines.
D'après lui, les sociétés françaises et japonaises arriveront sans doute en tête sur un marché iranien de la réassurance où elles étaient bien implantées par le passé et des secteurs tels que l'aviation, l'électricité et l'énergie ont de gros besoins de couverture des risques.
Un autre courtier basé à Londres juge qu'il n'est pas question pour l'instant de s'implanter à Téhéran, préférant s'épargner le risque d'être "à l'avant-garde".
L'Iran compte 27 compagnies d'assurance et deux de réassurance, la plupart créées ces dix dernières années, mais, n'ayant pas accès aux marchés internationaux, elles ne font pas non plus l'objet de notations.
Un point susceptible de dissuader leurs homologues internationales, et leurs services soucieux d'éviter toute sanction, de faire affaire avec elles.
Iranian Reinsurance s'emploie à obtenir une notation et discute avec deux agences en ce sens, dit Mohammad Asoudeh, sans donner leur nom. "En raison des sanctions, elles ne pouvaient faire aucun évaluation, c'est pourquoi c'est notre priorité; plusieurs autres compagnies d'assurance iraniennes attendent également d'être notées." 
A l'heure actuelle, 4% environ du total des primes d'assurance iraniennes sont rétrocédées à des réassureurs, ce qui équivaut à peu près à un volume d'affaires de réassurance de 300 millions de dollars en Iran, explique Mohammad Asoudeh. Ce volume devrait rapidement augmenter avec la multiplication des échanges avec des intervenants étrangers.

Biovac et ses autovaccins décrochent un gros contrat avec l’Iran

La PME de cinquante salariés de Beaucouzé, aux portes d'Angers (Maine-et-Loire), va fournir des autovaccins pour animaux à l'Iran. Le contrat pourrait s'élever, à terme, à plusieurs millions d'euros. Entretien avec Christophe Tremblay, docteur vétérinaire et président de Biovac.

Comment êtes-vous arrivé à signer avec les Iraniens ?
La France a deux domaines d'excellence dans mon métier : l'élevage de volailles et de porcs ; les autovaccins. Ces derniers sont faits sur mesure. On part de bactéries prélevées dans un élevage et on fait un vaccin pour cet élevage. Les autovaccins se sont beaucoup développés en France.
Je me suis rendu compte que nous avions une belle expertise en me frottant aux marchés européens. Du coup, nous sommes allés plus loin en contactant une entreprise iranienne. Un marché que nous connaissons déjà. Nous leur vendons des réactifs de diagnostic vétérinaire pour les volailles.
Quelle est l'importance de ce marché ?
Le potentiel est énorme. Les Iraniens ont pour seules sources de protéines les volailles et les poissons, deux productions intensives en Iran. Problème : ils sont confrontés aux maladies. Les autovaccins n'y existent pas. Or c'est une belle alternative aux traitements antibiotiques.
Ce marché peut représenter plusieurs millions d'euros. Il reste complexe, très politique. Toutes les autorisations passent par les autorités. À nous de performer et de savoir travailler avec eux.

Concrètement, comment va s'organiser la production ?
Dans un premier temps, ces vaccins seront fabriqués chez nous puis testés et distribués en Iran. Par la suite, l'objectif est de doter notre partenaire iranien d'une structure susceptible de produire ses propres autovaccins, après fourniture des bactéries inactivées par BioVac.
Quelle incidence pour votre entreprise en matière d'investissements et d'emplois ?
Tout dépend de l'ampleur que cela va prendre. Il faudra imaginer un agrandissement de nos locaux et des embauches, bien sûr. Vous savez, c'est un peu comme l'histoire des Rafale vendus à l'Inde. Il y a une demande, nous sommes bien placés mais il faut que cela s'engage.
Je trouve intéressant qu'une PME de cinquante salariés, qui a une excellence dans son métier de fabrication de vaccins, décroche ce genre de contrat qui pourrait être réservé aux très grosses entreprises. Les PME aussi peuvent réussir !

Source : Ouest France Entreprise

mercredi, février 03, 2016

Les banques occidentales hésitent à financer les entreprises dans leur conquête du marché iranien

Malgré les très belles perspectives qu'offre le marché iranien depuis la levée des sanctions contre Téhéran, les banques restent prudentes et peinent à s'engager dans ce pays, craignant toujours d'être mises à l'amende par les Etats-Unis.

La visite du président iranien Hassan Rohani à Paris, quelques jours après l'entrée en vigueur de l'accord nucléaire, a été l'occasion d'annoncer jeudi une flopée d'accords commerciaux, pour un montant "potentiel" de 15 milliards d'euros, selon l'Elysée.

Pour autant, derrière ces annonces se cache la question du financement des investissements en Iran.

Car aujourd'hui les banques européennes hésitent à se lancer, échaudées par les pénalités infligées par Washington à certaines d'entre elles pour avoir violé les embargos américains sur certains pays, dont l'Iran.

L'exemple le plus spectaculaire reste l'amende record de 8,9 milliards de dollars imposée à BNP Paribas en 2014.

"Nous ne prenons aucune initiative nouvelle dans le domaine", a confié à l'AFP une grande banque française, préférant garder l'anonymat.

"Il y a eu la levée des sanctions mais concrètement cela manque encore beaucoup de clarté", a indiqué cette source, soulignant que les interprétations entre les Américains et l'Europe n'étaient "pas alignées".

La question inquiète aussi d'autres établissements bancaires en Europe.

"Deutsche Bank a pris acte de l'assouplissement des sanctions américaines et européennes contre l'Iran", a indiqué à l'AFP la banque allemande, qui a quitté le pays fin 2007 et écopé en novembre d'une pénalité américaine de 258 millions de dollars. "Jusqu'à nouvel ordre, le groupe s'en tiendra à sa décision et ne fera pas d'affaires liées à l'Iran", a-t-elle ajouté.

'Incertitude' sur les sanctions

"Il y a une incertitude", a déclaré Yves-Thibaut de Silguy, vice-président du Medef International sur France Info jeudi, soulignant que les Etats-Unis appliquaient la levée des sanctions nucléaires, mais que d'autres sanctions américaines restaient en vigueur, notamment contre le terrorisme.

Le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur Matthias Fekl a indiqué jeudi avoir demandé aux autorités américaines une "clarification" sur le calendrier et le périmètre de levée des sanctions à l'OFAC (Office of Foreign assets control), un organisme américain de contrôle des avoirs étrangers.

Pour Thierry Coville, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), les Etats-Unis entretiennent volontairement le flou sur l'état des sanctions.

"Cela peut être une politique américaine de dire +attention c'est compliqué+ pour que l'on n'y comprenne rien et que l'on croie qu'elles sont toujours là", déclare-t-il.

"Légalement, les banques peuvent faire des choses", mais il leur faut "toutes les assurances du monde pour qu'elles reviennent en Iran", estime-t-il.

Pour l'heure, même si elles se positionnent sur le marché iranien, elles préfèrent rester discrètes sur leurs intentions. "Je vois mal comment des grands groupes peuvent conclure des contrats sans avoir de soutiens financiers", souligne l'économiste.

Selon Pascal de Lima, économiste en chef à Economic Cell, un cabinet de veille économique, l'Iran possède un bon potentiel économique, en dépit d'"un risque pays élevé" dû à "la situation géopolitique avec Israël et d'une confiance minée par la sanction de BNP Paribas".

Pour tenter de rassurer les entreprises, l'Etat français a annoncé mardi un accord permettant d'apporter les garanties publiques nécessaires aux investissements en Iran via la Coface, qui permettra de couvrir les risques d'impayés sur place.

En outre, des équipes spécialisées sur les questions des sanctions, opérant au ministère des Finances et celui des Affaires étrangères, se tiennent à disposition des entreprises souhaitant savoir si leurs activités sont en conformité avec la législation américaine, a rappelé jeudi M. Fekl lors d'un discours au Medef.

Mais selon M. Coville, avoir laissé l'OFAC "faire pression directement sur les banques européennes" était "une "erreur stratégique qui se paye aujourd'hui".

"Politiquement, c'est lamentable de la part des Européens", déplore-t-il. "Maintenant c'est une arme financière et géopolitique que les Etats-Unis ne vont pas se priver de réutiliser dans d'autres circonstances".

Investissements en Iran : attention à la responsabilité sociale des entreprises

Certes, l'économie iranienne va connaître une forte croissance, les besoins en infrastructures sont importants. Mais les risques juridiques et "réputationnels" pour l'investisseur en Iran le sont tout autant. Par Karim Lahidji, Président de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et Pierre-Samuel Guedj, Président d'Affectio Mutandi, Président de la Commission RSE du CIAN - Conseil Français des Investisseurs en Afrique

La levée des sanctions économiques contre l'Iran, conditionnée au respect strict de l'accord sur la démilitarisation de son programme nucléaire, fait naître un Iran Rush risqué.

Bridée par dix ans d'embargo, l'économie iranienne devrait connaître une croissance de 4 à 5 % par an jusqu'en 2020. Besoins en infrastructures, technologies, financement, biens et services de grande consommation, autant d'opportunités pour les entreprises françaises, autant de risques.

Les violations des droits liées à l'activité économique et le commerce en Iran sont nombreuses : l'absence de législation pour protéger les travailleurs d'abus, de discrimination ou de harcèlement ; les syndicalistes qui sont systématiquement menacés et emprisonnés, voir même condamnés à mort ; des politiques et lois, comme la Loi Gozinesh, qui interdisent l'accès à certaines professions pour les femmes, les minorités religieuses ou ethniques, et les dissidents politiques; le recours au travail des enfants ; les expropriations illégales et les expulsions forcées en raison de projets de développement.

Les entreprises françaises doivent respecter les droits humains

Tout cela dans un contexte où la justice n'est pas indépendante, et où les lois sont appliquées de façon aléatoire selon le bon vouloir du régime. Faire des affaires en Iran c'est s'exposer aux violations quotidiennes des normes universelles de l'OIT et des droits humains. Sans compter sa 136ème place dans le classement 2014 de Transparency International sur la corruption...

Les entreprises françaises ont la responsabilité de respecter les droits humains dans l'ensemble de leurs activités, y compris en vertu de leurs relations d'affaires.

Des risques juridiques, sociétaux et réputationnels

La France doit également s'assurer que les entreprises sous sa juridiction ne contribuent pas à des violations des droits humains à l'étranger. Ces principes ont été internationalement reconnus, notamment par l'OCDE et l'ONU. Faute de respecter leurs responsabilités en matière de droits humains, les entreprises françaises s'exposent à des risques juridiques, sociétaux et réputationnels.

La justice française peut être saisie

Les français et les européens ne veulent plus que les produits qu'ils achètent soient réalisés par des enfants, ni que leur croissance soit le fruit d'un encouragement de la peine de mort par lapidation. Rappelons que les manquements allégués aux codes de conduite peuvent mener une entreprise au tribunal. Auchan, sur le dossier Rana Plaza, et Samsung, sur les conditions de travail en Chine, sont aujourd'hui l'objet de procédures en France pour pratique commerciale trompeuse. Rappelons aussi que l'éloignement des pratiques répréhensibles n'empêche pas la justice française de se saisir.

Vinci fait l'objet d'une enquête préliminaire pour esclavage

Des entreprises françaises ayant vendu du matériel de surveillance à des régimes autoritaires comme la Syrie et la Libye font en ce moment l'objet de poursuites devant les juridictions françaises pour complicité présumée d'actes de torture. Vinci en fait aussi les frais en étant l'objet d'une enquête préliminaire pour esclavage moderne dans un pays à gouvernance perfectible similaire, le Qatar. Dommage collatéral des grands marchés obtenus pour la préparation du mondial 2022. N'oublions pas non plus que cette levée des sanctions est progressive et conditionnée.

L'épée de Damoclès de la justice américaine

L'épée de Damoclès qui a mené, sur des enjeux de corruption et de financement du terrorisme, au démembrement d'Alstom et au paiement d'amendes sans précédent pour la BNP Paribas est toujours mobilisable par les autorités américaines... Le flou juridique entretenu par les Etats-Unis sur de telles poursuites extraterritoriales a conduit très récemment Yves-Thibault de Silguy, Vice-Président du Medef international, à s'exprimer publiquement pour prôner la plus grande prudence.

Face aux acteurs asiatiques et états-uniens, les entreprises européennes et en particulier françaises s'exposeraient à un risque juridique et réputationnel important si elles n'exercent pas leur responsabilité de diligence raisonnable en matière de droits humains avant toute relation commerciale en Iran.

Des opinions publiques attentives

Elles devront faire part de leurs exigences auprès de leurs partenaires commerciaux iraniens et en premier lieu les autorités publiques.

La société civile et l'opinion publique seront particulièrement attentives à la manière dont les entreprises françaises respecteront leurs responsabilités et engagements en matière de droits humains dans leurs opérations en Iran. Leurs collaborateurs et consommateurs aussi ...Tandis qu'en 2015 on finalise un accord menant à une ouverture économique attendue en Iran, le pays commet plus d'exécutions annuelles (qu'on estime à près de 1000 personnes) qu'au cours des 25 dernières années. 

Les entreprises françaises sont-elles prêtes à faire des affaires dans un tel contexte ?

Source : La Tribune du 2 février 2016

Le nouvel eldorado aéronautique?http://www.aeroweb-fr.net/actualites/vu/3701 Article publié le 28 janvier 2016 par Julien Abidhoussen

L'Iran affiche un potentiel unique pour les constructeurs aéronautiques. 
L’Iran, qui entraperçoit une levée des sanctions américaines, dévoile "un marché de 400 à 500 appareils sur les 10 prochaines années" selon son ministre des transports, Abbas Akhoundi.

L’aviation iranienne, de retour aux affaires?

Dans les années 70, Iran Air, la compagnie basée à Téhéran et créée en 1962, était la fierté de la région. Dans les petits papiers américains, la flotte du transporteur iranien comptait alors des Boeing flambants neufs et deux Concorde étaient en cours d’acquisition. Pourtant, après la révolution iranienne de 1979, l’embargo économique décrété par les Etats-Unis a réduit l’industrie du pays à un état végétatif. Bien que l’Iran compte toujours plusieurs compagnies aériennes assurant des liaisons internationales et domestiques, les flottes iraniennes battent des records de vétusté.

Les flottes, composées d’avions de seconde main souvent réparés avec des pièces glanées au marché noir, affichent une inquiétante moyenne d’âge de plus de vingt-trois ans, le double de la moyenne mondiale. La perspective d’une levée des sanctions suite à l’accord de Vienne signé le 14 juillet 2014 offre de nouvelles possibilités à l’Iran. Le transport aérien iranien pourrait ainsi tenter de se revitaliser en acquérant des nouveaux appareils d’une part et de nouvelles pièces pour la maintenance d’autre part. L’aviation iranienne accuse en effet un retard conséquent en comparaison des standards internationaux, tant avec les compagnies historiques occidentales qu’avec ses concurrents plus directs du Golfe.

Fort d’une population de près de 80 millions d’habitants et d’un marché domestique à grand potentiel, l’Iran fait tourner la tête des mastodontes du secteur, Boeing et Airbus. Mohammad Khodakarami, directeur de l’Organisation de l’Aviation Civile Iranienne affirme : "nous avons plus de vingt millions de passagers par an sur les vols domestiques et six millions sur les vols internationaux. La croissance de l’aviation iranienne est de 6% par an malgré les sanctions et nous prévoyons une croissance d’au moins 10% par an pendant dix ans si les sanctions sont levées", il poursuit "beaucoup d’avions sont aujourd’hui cloués au sol pour réparation, nous avons maintenant besoin de long-courriers dernières générations pour les remplacer et développer notre réseau international". Nul doute, que de tels changements diminueraient les coûts opérationnels liés au carburant et à la maintenance et permettrait au pays de se rapprocher des compagnies internationales. Rob Morris, consultant en chef pour Flightglobal confirme les chiffres avancés par les autorités iraniennes et parle de "quatre cents nouveaux avions commerciaux pour un montant estimé à vingt milliards de dollars sur les dix prochaines années"

L’Iran dispose en plus d’un marché concurrentiel performant comme en témoigne la récente montée en puissance de la compagnie aérienne privée Mahan Air qui vient sérieusement menacer la compagnie nationale Iran Air. Même si Téhéran est aujourd’hui desservie par les compagnies de la région telles qu’Emirates, FlyDubai ou encore Etihad, on peut imaginer que la levée des sanctions permette aux compagnies iraniennes de s’adjuger des parts de marché du trafic international. Le PDG de Iran Air, Farhad Parvaresh confie d’ailleurs que "la visée finale d’Iran Air est de faire concurrence aux compagnies du Golfe". Téhéran est d’ailleurs idéalement située pour s’imposer comme un hub international à l’instar de Dubaï, Doha ou encore Istanbul avec des temps de vol avantageux par rapport à ses concurrents. 

Les challenges à surmonter avant la renaissance

Il n’est rien de dire que l’éclosion du transport aérien iranien est conditionnée au succès du programme signé à Vienne par l’Iran et six puissances mondiales. Après le congrès américain, c’est le parlement iranien qui a entériné l’accord multipartite le 20 octobre dernier, accord préalable à toute levée des sanctions économiques qui s’exercent sur le régime de Téhéran. Une suspension éventuelle des sanctions dépendra en tout état de cause de la vitesse avec laquelle les Iraniens démantèleront leurs installations nucléaires, les différentes diplomaties concernées s’entendent sur un horizon d’a minima quelques mois. Néanmoins des éléments permettent d’imaginer une issue positive, en effet Boeing a d’ores et déjà livré du matériel aéronautique à Iran Air durant l’année 2014 en marge des négociations, cette opération ayant été autorisée par le Trésor américain.

L’Iran devra ensuite être capable de financer ces nouveaux avions. Compte tenu des délais en vigueur pour avoir accès aux dernières générations d’avions, l’Iran pourrait utiliser le leasing (location) dans un premier temps pour amorcer la transition vers une flotte compétitive et moderne. La compagnie aérienne a ensuite la possibilité d’acheter l’avion ou non. Ce format de financement permettrait aux compagnies aériennes iraniennes de bénéficier d’avions dans des délais courts ainsi que de flexibilité pour gérer leurs flottes.

En situation de duopole sur le long-courrier, Airbus et Boeing devraient s’imposer sur ce marché, l’occasion pour eux de placer des superjumbos type A380 et 747-8 qui ont encore du mal à trouver leur marché. Même si Fabrice Brégier, PDG d’Airbus, considère l’Iran comme "un gros potentiel", le marché des monocouloirs n’est pas forcément acquis aux deux géants. En effet, l’Iran préfèrera peut être privilégier les liens qu’elle entretient avec la Chine et la Russie. Le Sukhoi SuperJet 100 pourrait être un premier candidat bien que proposant un emport passager de moins de cent passagers contre 180 pour un A320 par exemple. La solution pourrait alors venir du dernier né du chinois COMAC. En effet, le C919, récemment présenté aux yeux du public, affiche un emport de 190 passagers et le même moteur Leap-1C que les dernières générations de Boeing et d’Airbus permettant des économies de carburant de l’ordre de 10%. Même si la mise en service du C919 n’est pas prévue avant 2019, la Chine affiche de grandes ambitions pour son avion. Les constructeurs COMAC, Sukhoi mais également ATR, Bombardier ou Embraer auront donc leur mot à dire.

Enfin, l’Iran doit se doter des infrastructures à la hauteur de son ambition. Pour que Téhéran puisse s’imposer comme un hub international, il faudra soigner l’image de l’aéroport de l’Imam Khomeini qui fait pour l’instant pâle figure en comparaison des autres hubs de la région. Les autorités iraniennes ont prévu un plan d’investissement de huit milliards de dollars pour développer les infrastructures aéroportuaires de la région.

L’Iran, un marché parmi d’autres

Le potentiel du marché iranien apparaît comme une manne pour les acteurs du secteur. Il convient tout de même de relativiser ces chiffres à l’aune des pratiques du secteur. En effet, à l’échelle d’un pays, quelques centaines d’appareils peut sembler modeste, spécialement quand on compare ces chiffres aux commandes de pays émergents. Ainsi, la compagnie indienne Jet Airways vient de passer commande pour 75 Boeing 737MAX, lors du Dubaï Air Show 2015. De même, Boeing prévoit un besoin de plus de six mille avions en Chine durant les vingt  prochaines années, ainsi les besoins comparés de la Chine et de l’Iran seraient de trois cents appareils/an contre quarante.