vendredi, avril 13, 2001

Pétrole et lutte de pouvoir en Iran

Dans la République islamique de l' Iran, l' intérêt du régime est plus important que la loi islamique (dar johmur-e eslamie maslahat-e nezam az shariat mohemtar ast) et les contrats pétroliers en fournissent un bon exemple. Les événements récents en Iran précisent que l'élite administrative cléricale cherche à opérer sur le fil du rasoir: d'un côté, la capacité de Téhéran à développer des relations d'affaires industrielles et commerciales avec les associés européens qui ont émoussé en grande partie l' effet des sanctions des États Unis. De l'autre, la réponse des factions Iraniennes à l' augmentation des relations commerciales internationales.

Ces relations commerciales sont principalement liées au sujet du pétrole. Les opérateurs internationaux entreprennent des projets de développement de gisements pétroliers et de gaz sous forme de contrats de rachats ou " buybacks ", où les promoteurs sont payés en pétrole. Plus en détail, selon les contrats de rachats signés jusqu' à présent, les sociétés internationales agissent de manière semblable aux ingénieurs contractants. Quand la production est commencée, ils sont requis de remettre la responsabilité des opérations de nouvelles zones, ou de mettre en valeur les projets de redressement qu'ils ont développés, à la Compagnie Nationale de Pétrole Iranienne (NIOC) .

Les contrats de rachats ont récemment été mis en cause. Les termes de tels contrats ont été discutés à la Conférence de Pétrole de l'Iran organisée le 4-5 novembre 2000 par l' Institut d' Iran d' Études d' Énergie Internationales à Téhéran. La critique des contrats de rachats de l'Iran fut formulée dans un papier présenté par Bijan Mossavar Rahmani, Président de Mondoil Corporation. Selon lui, le contrat de rachat a eu "seulement un succès limité jusqu'ici parce que ce contrat ne représente pas la formule de choix risque - récompense, ni pour l' Iran ni pour les compagnies pétrolières " .

En même temps (novembre 2000), le réformiste qui a dominé un Parlement iranien - de plus en plus nationaliste (Majlis) a exprimé des inquiétudes sur le rôle joué par les compagnies étrangères dans le secteur pétrolier. Il a insisté pour débattre la validité des conditions de contrats de rachats pour de nouveaux projets afin d'aligner l'économie iranienne avec les marchés globaux. En février 2001 des obstacles parlementaires ont été levés: le Conseil du Discernement de l'Intérêt du régime, la plus haute cour d' appel législative d' Iran, a outrepassé la décision prise par le Conseil conservateur des Gardiens de la Révolution , selon laquelle les contrats de rachats ont soutenus une forme d'intérêt interdite en Islam, et a affirmé au lieu la légalité des contrats de rachats .

L'Iran devrait diminuer ses dépenses de production et améliorer l'efficacité de sa gestion par l'acquisition à l'étranger de technologies avancées et de savoir-faire, étant largement derrière ses concurrents telle que l'Arabie Saoudite. Puisque le régime est incapable de supporter l'investissement avec ses capitaux domestiques intérieurs, il doit attirer des sociétés étrangères .

Pour pouvoir doubler la capacité de production de pétrole de l'Iran pendant les 20 prochaines années et exploiter ses réserves de gaz, Téhéran s'attend à demander entre 20 et 50 bn de dollars de capitaux étrangers. Dans ce contexte, les investisseurs internationaux fonctionneront principalement en amont. Cependant, avant l'entrée sur le marché iranien, les sociétés étrangères sollicitent une protection légale contre la nationalisation et d'autre des droits de garanties leur permettant de rapatrier capitaux et profits convertissables en devises fortes.

A part les échecs dus à la structure légale et aux restrictions constitutionnelles sur les capitaux étrangers , les sociétés internationales investissant en Iran doivent faire face à deux autres problèmes cruciaux. D'abord, le terme des contrats de rachats est perçu comme étant trop court, la période de retour sur investissement est de cinq ans, tandis que la durée d'un projet est généralement d' environ 7-10 ans. Deuxièmement, les retours sur investissements peuvent être plus faibles que prévus dû au débordement de coûts fragilisant ainsi les investisseurs.

Un autre facteur important qui doit être pris en considération dans l'analyse du secteur pétrolier iranien, à savoir les relations est le rapport entre l'Iran et les USA. En raison de sanctions imposées par Washington qui pénalisent les sociétés investissant plus de 20 millions de dollars en Iran, les sociétés américaines sont actuellement incapables d'investir en Iran. Tout en craignant les représailles du Bureau de Contrôle d' Actifs Étrangers (OFAC), et ainsi scrupuleuses dans le respect de la loi, les sociétés américaines s'opposent de plus en plus aux sanctions contre l'Iran.

Dans le contexte des sanctions américaines, en 1995, la société américaine Conoco a perdu le développement du projet Sirri d'aménagement des gisements pétrolifères A et E, qui ont finalement atterri dans les mains du français Total. Chevron a récemment dû faire comprendre qu'il n'avait pas l'intention de faire une offre sur les Parts de gisement Sud 9-12 . Inutile de dire que les sociétés américaines payent chèrement la politique américaine.

Le passage du pétrole par des oléoducs est une source de revenus et de royalties. Or la position stratégique de l'Iran au carrefour entre le Moyen-Orient, le bassin de la mer Caspienne et l'Asie Centrale fait de son territoire, un des passages le plus efficace pour les oléoducs.

à part les oléoducs passant par l'Iran, l'option la plus efficace pour la République islamique est actuellement l'échange de pétrole avec ses voisins du nord. C'est le système par lequel les exportations des Républiques ex-soviétiques à l' Iran seraient indemnisées par des volumes équivalents à ceux du Golfe Persique. C'est une option commode pour l'Iran parce que la grande majorité de sa population est concentrée dans des zones urbaines au nord du pays. Le besoin d'énergie est ainsi concentré au nord, alors que les gisements de pétrole les plus riches sont au sud, le long du Golfe Persique.

Le coût d' agencements d'échange pétrolier entre l'Iran et la Mer Caspienne est estimé être seulement de 2 dollars par baril et représente ainsi une solution financièrement avantageuse du problème de transport . Jusqu'ici, des échanges bruts ont été arrangés avec le Kazakhstan : le pétrole a été expédié au port iranien de Neka sur la Mer Caspienne pour une livraison à la raffinerie de Téhéran, en échange de quantités équivalentes de brut iranien pour le chargement à l' Île de Kharg (dans le Golfe Persique). Cependant, l'entente fut arrêtée en raison du haut contenu de mercaptan du brut Kazakh . Selon Téhéran, les raffineries iraniennes pétrolières ont besoin d'une rénovation sérieuse pour être capable de traiter les catégories Kazakhes .

En même temps, les échanges par l'Iran ont été entrepris du Turkménistan. L'oléoduc a une capacité de 40.000 b/d barils par jour, qui a été rehaussé de niveau à 100.000 b/d barils par jour. Pendant que les affaires se développent, un projet est mis en étude pour un oléoduc de 350.000 b/d barils par jour . En fait, le Président Kazakh Nursultan Nazarbayev a demandé à Total Fina Elf et à la société italienne Agip de considérer un projet de transport à l'extérieur de l' arrangement Baku-Ceyhan .

Pour conclure, trois dernières considérations doivent être tenues en compte. D'abord, le pétrole est, et restera, la ressource principale de la République islamique. Cette réalité contraste avec les discours de l'élite cléricale au commencement de la Révolution, quand ils ont fortement condamné la dépendance aux exportations pétrolières comme une politique négative conduite par le schah. Deuxièmement, l'élite au pouvoir n'a aucun intérêt de manquer l'occasion de s'enrichir et d'augmenter ainsi leur puissance par la distribution de richesse à leurs filiales.
Troisièmement, la guerre Irak - Iran (1980-1988) a causé des dégâts sévères aux raffineries iraniennes. En conséquence, les produits pétrochimiques - comme l'essence pour l'aviation - doivent être importés. Étant donné le manque de technologie adéquate et la faiblesse du secteur iranien privé, dans les années à venir, la République islamique aura annuellement besoin de 10 bn de dollars d'investissements étrangers pour se maintenir, en ce qui concerne le développement de son secteur d'énergie, notamment pour la production de gaz. Dans les circonstances présentes, les "contrats de rachats" (buybacks) permettent aux sociétés étrangères de recevoir du pétrole pour des investissements, sans entrer en conflit avec la constitution interdisant des concessions minières aux étrangers.

12 avril 2001