jeudi, février 18, 2010

Loi interdisant le retrait de plus de 15.000 dollars de liquidités par jour des banques iraniennes

Les sanctions bancaires américaines ont détraqué l’économie iranienne basée sur l’investissement étranger ou l’import-export. En l’absence de ce vrai carburant qui l’a fait tourner pendant 30 ans, rien ne va plus : les dettes s’accumulent, les banques vont à la faillite. S’attendant au pire, le gouvernement iranien a diffusé en janvier 2010 quelques bilans plus réalistes en ce sens pour préparer ses partenaires intérieurs, des annonces qui ont semé la panique, provoquant une réaction en chaîne aux effets inattendus.

Qu’arrive-t-il quand vous être un riche commerçant dans un pays victime de sanctions et que d’un coup l’Etat affirme que votre banque ainsi que toutes les banques du pays risquent de s’effondrer ? Vous retirez vos investissements en monnaie nationale pour les convertir en or ou en une monnaie fiable comme le dollar ou l’euro.

Depuis peu, le gouvernement a strictement interdit en Iran de retirer plus de 15 millions de tomans de liquidités (convertibles en 15.000 $) de son compte bancaire par jour ! Le gouvernement a même pensé aux petits malins qui chercheraient à contourner le système avec la création de plusieurs comptes bancaires ou des emplois fictifs en annonçant que tout virement doit désormais transiter par un logiciel bancaire commun mis en place par la Banque Centrale. Le contrevenant sera accusé de blanchiment d’argent et en conséquence non seulement il se verra confisquer ses avoirs, mais il sera aussi contraint de payer une amende équivalente à ¼ de ses revenus illicites (amende prélevée par la vente forcée de ses biens). Il sera également placé sous mandat d’arrêt international.

Suite aux mécontentements manifestés par les Bazaris et l'intelligentsia riche du pays, le gouvernement a annoncé l’adoption inattendue et sans débat d’une loi autorisant la création de banques étrangères en Iran, banques aux « capitaux indo-arabo-européens ».

Cette loi vient réconforter les milieux d'affaires iraniens et principalement les Bazaris (à l'origine de la Révolution islamique de 1979 et soutien nécessaire du régime en place).

Cela dit, les banques étrangères appliquent des vrais taux de change et en conséquence, les riches milieux d'affaires iraniens verront leur fortune se diviser par 7, le taux de change préférentiel décidé par le gouvernement pour préserver le soutien du Bazar étant 7 fois moins élevé que le taux réel.

Au-delà du désagrément engendré par cette division des fortunes, ce genre de création bancaire reste impossible tant que les sanctions financières américaines seront en vigueur, c’est-à-dire tant que les plus hautes instances du régime refuseront, contre l’avis de leurs anciens alliés Bazaris, d’accepter la main tendue par le président américain. Le gouvernement a fait une promesse conciliante qu’il ne peut pas tenir.

C’est une révolution en soi car durant les 180 dernières années de l'histoire iranienne, le clergé et le Bazar n’ont toujours fait qu’un ! Le clergé a même prospéré grâce à cette unité. Leur rupture annonce des bouleversements pour l’un et pour l’autre, mais aussi pour la société iranienne.

samedi, février 13, 2010

L'Iran est candidat pour siéger au Conseil des droits de l'homme de l'ONU

Source : Le Monde du 13 février 2010

L'Iran sera-t-il bientôt membre du Conseil des droits de l'homme des Nations unies ? Engagée dans une spirale de répression toujours plus intense, la République islamique est candidate pour siéger, en juin, au sein de l'organe chargé de promouvoir la défense des droits humains et d'émettre des recommandations sur les violations. Hasard du calendrier, Téhéran sera soumis, lundi 15 février, devant ce même Conseil, à l'"examen périodique universel" (EPU), mécanisme censé passer au crible les manquements en matière de droits de l'homme des Etats membres de l'ONU.


"Le Conseil des droits de l'homme n'a pas été créé pour être le club des Etats vertueux, mais si l'Iran en devient membre, ce sera un signal désastreux", explique un diplomate occidental, confirmant qu'une bataille en coulisses a bien commencé pour contrer ce scénario. En mai, l'Assemblée générale de l'ONU, à New York, votera pour le renouvellement d'une quinzaine de sièges au sein du Conseil, qui compte 47 pays membres, répartis dans cinq groupes régionaux.

A ce jour, au sein du groupe régional asiatique, cinq candidats pour quatre postes sont en lice. Aux côtés de l'Iran, figurent le Qatar, la Malaisie, la Thaïlande et les Maldives. Au cas où l'un des postulants se retirerait, l'Iran pourrait être élu de manière quasiment automatique. "Nous ferons tout, dans ce cas, pour susciter une autre candidature", explique le même diplomate, rappelant qu'en 2007, les Occidentaux s'étaient mobilisés pour barrer la route à la Biélorussie. La Bosnie, candidate tardive, a finalement été élue.

Mais le cas de l'Iran, qui a "une surface diplomatique plus grande", comme l'explique un observateur, est plus complexe. Déjà, des rumeurs font état de pressions sur l'un des quatre autres candidats du groupe asiatique, afin de laisser la voie libre à Téhéran.

Outre l'énormité et l'intensité de la répression actuelle, la République islamique fait partie des pays qui, chaque année, sont épinglés par l'ONU dans une résolution concernant la situation des droits humains, comme la Birmanie et la Corée du Nord. Enfin, depuis 2005, le pays a fermé ses portes à tous les rapporteurs de l'ONU.

L'examen périodique universel auquel Téhéran se soumettra lundi n'en sera suivi qu'avec plus d'attention. "C'est un test. Si les Iraniens refusent toutes les recommandations, on pourra d'autant mieux arguer que leur candidature au Conseil des droits de l'homme est surréaliste", avance un diplomate européen.

Les préparatifs de cet exercice sont fébriles. Une vaste délégation iranienne a atterri à Genève avec, à sa tête, Mohamad Larijani, le frère d'Ali Larijani, l'actuel président du Parlement. Dans son sillage, des dizaines de membres de fausses ONG iraniennes - les Governmental Non-Governmental Organizations - ont été accréditées. C'est le cas d'ODVV, censée défendre les victimes de la violence et dirigée par un ancien chef des services de renseignements.

Vendredi 12 février, Amnesty International et la FIDH avaient, eux, invité Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix, pour faire entendre la voix de l'opposition. Mme Ebadi a appelé à la création d'un poste de rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran. L'avocate Shadi Sadr, spécialisée dans la défense des femmes, a raconté sa détention dans une prison de Téhéran au lendemain des élections de juillet 2009.

Lundi, la séance d'examen se déroulera ainsi : l'Iran exposera ses "progrès" en matière de droits de l'homme. Puis un "dialogue interactif " s'engagera dans la salle, les Etats étant autorisés à poser des questions et faire des recommandations.

Agathe Duparc