jeudi, mars 16, 2006

Comment Washington veut renverser le régime iranien

Les efforts de l'administration Bush pour promouvoir la démocratie en Iran s'avèrent particulièrement périlleux pour les défenseurs iraniens des droits de l'homme. L'opposition iranienne fait les frais du volontarisme affiché de la Maison-Blanche contre Téhéran.




Manifestation pour la libération d'Emad Baghi, Téhéran, 2000 - DR

"Au moment où le dossier du programme nucléaire iranien débarque au Conseil de sécurité des Nations unies, l'Iran figure en tête des priorités de l'agenda de la sécurité nationale américaine. En effet, l'administration Bush veut activement mener campagne contre les ayatollahs de Téhéran", rapporte le Washington Post. Le grand journal de la capitale américaine se fait l'écho des efforts de la Maison-Blanche pour construire une opposition intérieure iranienne.

Cette stratégie traduit le choix d'une approche plus dure, d'une véritable stratégie d'affrontement avec le régime iranien. "Bien que les responsables de l'administration évitent le terme de 'changement de régime', c'est bien là l'objectif visé quand ils bâtissent la résistance à la théocratie."


En plus des 10 millions de dollars déjà budgétés, l'administration Bush a demandé au Congrès de débloquer d'urgence 75 millions supplémentaires pour promouvoir la démocratie en Iran. "Cinquante millions de dollars serviront à financer une chaîne de télévision par satellite. Cinq millions seront consacrés à des bourses d'études, et cinq autres millions seront destinés à soutenir la société civile, dont le patronage de médias indépendants en Iran", précise le Washington Post dans un autre article. "Les quinze derniers millions iront aux ONG et à des initiatives d'éducation citoyenne."

Par ailleurs, "le département d'Etat américain a créé la semaine dernière un Bureau des affaires iraniennes. L'an dernier, au sein du ministère, seules deux personnes travaillaient sur l'Iran – contre dix cette année. On y multiplie les formations en farsi", note le Washington Post.

Mais "les militants actifs en Iran affirment que l'idée du président Bush de dépenser des dizaines de millions de dollars pour promouvoir la démocratie dans ce pays est le genre d'aide indésirable, et craignent que la publicité donnée à ce projet mette en péril les militants des droits de l'homme en les faisant cataloguer comme agents américains", souligne le quotidien.

Pour sa part, Asia Times introduit ses lecteurs "à l'intérieur de l'école américaine pour le renversement du régime" iranien. Le magazine en ligne de Hong Kong a interrogé une jeune Iranienne travaillant pour une organisation internationale à Téhéran et ayant participé à une formation pour militants à Dubaï, dans les Emirats arabes unis. La trentaine, Nilofar raconte le caractère ultrasecret qui entourait l'événement. "Les organisateurs, instructeurs et étudiants s'identifiaient par des surnoms et étaient invités à communiquer entre eux à l'issue de la formation à travers un service de courrier électronique crypté et sécurisé, le Hushmail".

En fait, "le groupe d'instructeurs se composait d'un mélange d'exilés iraniens à Los Angeles, d'Américains qui faisaient office de superviseurs mais dont le statut est resté obscur et de trois Serbes appartenant au mouvement démocratique Otpor qui avait fait chuter le président serbe Slobodan Milosevic en 2000", précise Asia Times.

Emad Baghi, 44 ans, est particulièrement remonté contre l'initiative américaine. Ce défenseur des droits de l'homme et journaliste en Iran a déjà passé trois années de prison pour ses activités. Privé de passeport, il a envoyé trois membres de son groupe de militants à la formation de Dubaï, dont sa femme et sa fille ainsi qu'un critique de cinéma accompagné de son neveu, étudiant en droit. Tous ont été consternés par la teneur de la prétendue formation organisée par les Nations unies, qui se limitait à "des notions rudimentaires sur les droits de l'homme et des cours sur les révoltes populaires en Serbie, en Ukraine et ailleurs", note le Washington Post. Du coup, ils ont quitté Dubaï plus tôt que prévu, sans avoir de souci à leur retour à Téhéran.

"Mais quand, en février de cette année, des rapports en provenance de Washington firent état de l'initiative de Bush, les choses se compliquèrent. Les deux hommes furent mis en détention à la prison d'Evin, au nord de Téhéran, et, depuis, on n'a plus de leurs nouvelles. Quand à la femme et à la fille de Baghi, elles ont subi trois journées d'interrogatoire de la part des autorités judiciaires iraniennes." Pour Emad Baghi, "les gens qui ont organisé cette formation ne réalisent pas dans quel univers nous vivons, en Iran. Ici, nous avons le procureur général Said Mortazavi, et tout le système derrière lui. De l'autre côté, il y a les Etats-Unis et leur argent. La pression s'exerce sur ceux qui tentent de promouvoir les droits de l'homme à l'intérieur du pays."

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