dimanche, novembre 27, 2005

Le festival iranien de Kisch menacé

LE MONDE | 26.11.05

les déclarations du président iranien Mahmoud Ahmadinejad n'ont pas tardé à produire leurs effets sur le cinéma. Le 14 novembre, il a réaffirmé que " toutes les activités politiques, économiques et culturelles du pays doivent tendre vers la réalisation des idéaux islamiques" ; fin octobre, il avait annoncé l'interdiction de tous les films jugés "libéraux", "féministes" ou "laïques" et diffusant "la propagande de l'oppression mondiale" (les Etats-Unis), ou encourageant la consommation de drogue (Le Monde du 28 octobre).

Le directeur fondateur du Festival international de documentaires de Kish (KIDFF), Kamran Shridel, a fait savoir par lettre à tous les réalisateurs invités que "le bureau du festival a été pris d'assaut par les autorités et que les films et les formulaires de candidature ont été confisqués". Son interprétation est claire : "A la suite du virage politique qui a suivi l'élection présidentielle en Iran, et de l'arrivée de la droite au pouvoir, KIDFF, qui est à ma connaissance le seul festival de cinéma indépendant de la région, était voué à subir le même type de changement. Ce qui est en jeu c'est la liberté d'expression dans le documentaire." Aux réalisateurs, M. Shridel demande de récupérer leurs films, afin d'éviter que ceux-ci ne soient "instrumentalisés comme un signe de soutien au nouveau régime".

Présents à Tokyo, au Filmex, festival spécialisé dans le cinéma indépendant asiatique, quelques Iraniens ont réagi. Abolfazl Jalili, président du jury du Filmex, souligne : "Kamran Shridel est un intellectuel, et son festival est très important." Selon lui, ce type de méthode était courant pendant les premières années de la révolution. "Il semble que nous soyons en train de retourner en arrière", dit-il. Invité pour présenter son nouveau film, Sound Barrier, Amer Naderi, qui vit à New York depuis une vingtaine d'années, est surtout peiné : "C'est un pays de fous. C'est vraiment très triste que de telles choses se passent encore."

Du point de vue d'Abolfaz Jalili, dont les films n'ont jamais été montrés en Iran, les déclarations du président Ahmadinejad n'ont rien de neuf : "Chaque fois qu'une nouvelle personne arrive au pouvoir, elle dit plus ou moins la même chose. Et puis, petit à petit, elle finit par faire ce que les gens attendent. De toute façon, quel que soit le niveau de censure, les gens continueront à accéder à toutes sortes de films du monde entier, sans la moindre coupe, en achetant des DVD pirates." Il se montre plus inquiet des atteintes à la liberté de la presse, parce qu'il a lui-même longtemps été journaliste.

"La politique en Iran est comme un cercle, estime-t-il : une personne arrive, ouvre une porte, une autre la remplace, referme la porte, et ainsi de suite... Depuis l'ère qui s'était ouverte avec Khatami, nous avions le sentiment d'être sortis du cercle et d'avancer enfin sur une ligne droite. Aujourd'hui, nous nous rendons compte que nous sommes toujours dans le cercle."

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