samedi, mai 07, 2005

Iran : L'économie la plus dynamique au Moyen-Orient avec un taux de croissance de 5,7 % en moyenne

Pour les dix prochaines années, la Turquie pourrait connaître la croissance la plus forte devant l'Egypte, l'Iran et l'Arabie saoudite

De l'Arabie saoudite, de l'Egypte, de l'Iran ou de la Turquie, lequel de ces pays offre les meilleures perspectives économiques à moyen terme, à un horizon de dix ans ? C'est à cette question que s'efforce de répondre Sylvain Laclias, économiste au Crédit agricole, dans une étude qu'il vient de publier sous le titre "Moyen-Orient : le risque de s'en tenir aux risques ? !..." . Il a pour cela adopté une approche quantitative ­ évaluation tendancielle des rythmes de croissance ­ mais aussi qualitative : part de l'investissement privé, existence de déséquilibres financiers ou de pressions inflationnistes, capacité à créer des emplois, etc.


Iran. C'est l'économie iranienne qui s'est montrée la plus dynamique depuis le début de la décennie, avec un taux de croissance de 5,7 % en moyenne, contre 4,7 % en Turquie, 4 % en Egypte et 3,2 % en Arabie saoudite. Une performance qui s'est accompagnée d'importants excédents budgétaire et courant, avec un investissement soutenu. "Cela pourrait laisser présager d'un heureux avenir : une croissance tirée par l'investissement et, sur la base des gains de productivité ainsi dégagés, vouée à s'accélérer en tendance, note M. Laclias. (...) Il apparaît toutefois que ces performances sont en grande partie dues à une conjoncture pétrolière exceptionnelle."

Compte tenu d'une inflation élevée, d'une structure de l'économie figée et d'un fort taux de chômage, estimé à 15 %, dans un contexte politique intérieur et international qui ne présume pas d'une accélération du processus d'ouverture et de libéralisation de l'économie, "le scénario d'une activité économique encore dépendante de l'évolution des prix du pétrole au cours de la prochaine décennie, et, par conséquent, difficilement prévisible est à privilégier" . M. Laclias mise sur une croissance annuelle moyenne de 4 % à 4,5 %, "dont la qualité laissera encore à désirer" .

Arabie saoudite. Comme l'Iran, elle est très dépendante du pétrole. Et, comme elle, la hausse récente de l'or noir ne lui a pas offert le dynamisme qu'elle aurait pu espérer. "Une raison essentielle à cela, note M. Laclias, la prédominance comme en Iran d'un secteur public inefficace et aux effectifs pléthoriques, tandis que l'expansion du secteur privé se trouve freinée par un cadre réglementaire et fiscal contraignant, un environnement institutionnel défaillant, une distribution de crédits sous-optimale ou encore un marché du travail peu flexible."

Concernant ce dernier point, M. Laclias note que le chômage, dont le niveau est déjà élevé (13 % des hommes selon Saudi American Bank), menace de poursuivre son ascension, car l'économie n'absorbe qu'un quart des 100 000 à 150 000 nouveaux arrivants chaque année sur le marché du travail. En conséquence, l'économiste retient une hypothèse de croissance moyenne en Arabie saoudite comprise entre 3 % et 3,5 % au cours des dix prochaines années.

Egypte. Si l'économie égyptienne paraît mieux diversifiée que les deux précédentes, elle est dépendante de facteurs exogènes, comme les revenus du tourisme, du canal de Suez et des transferts financiers des travailleurs égyptiens à l'étranger, qui constituent ses principales sources de revenus en devises. C'est la dépense publique qui a tiré la croissance depuis 2000, comme le signale le dérapage des comptes de l'Etat. La dette publique a grimpé de 25 points depuis juin 2000, pour s'élever désormais à 90 % du produit intérieur brut (PIB).

De son côté, depuis la dévaluation de la livre égyptienne en 2003, la politique monétaire est devenue assez rigide. "Ce double constat appellerait à une certaine réserve et conduirait à privilégier l'hypothèse d'une croissance moyenne de 4 % à 4,5 % ces prochaines années, note M. Laclias. D'autant que les niveaux d'investissement et d'épargne en termes de PIB, les plus bas des quatre pays étudiés, sont trop faibles pour escompter une élévation significative du rythme de croissance."

Turquie. Si elle a enregistré depuis dix ans la deuxième meilleure performance de croissance derrière l'Iran, c'est elle en revanche qui offre les indicateurs qualitatifs les moins bons du groupe des quatre, avec notamment la dette externe la plus élevée (58 % du PIB), des réserves de change faibles (20,5 % seulement de la dette externe, contre 51,4 % pour l'Egypte, 103 % pour l'Arabie saoudite et 267 % pour l'Iran) et des comptes extérieurs en fort déséquilibre (le déficit de la balance courante a dépassé 5 % en 2004). "Ce sont là les conséquences de longues années à "vivre" quasi exclusivement sur le compte de l'Etat, analyse M. Laclias. Mais en ne laissant aux autorités d'autres possibilités que de restructurer l'économie, la crise systémique de 2001 est venue changer la donne."

Modernisation de l'économie, réformes structurelles, accord avec le Fonds monétaire international (FMI), perspectives d'adhésion à l'Union européenne, afflux d'investissements directs étrangers conduisent M. Laclias à se montrer relativement optimiste. Du groupe des quatre pays étudiés, la Turquie est celui qui, selon lui, connaîtrait le taux de croissance le plus élevé au cours des dix prochaines années (4,5 % à 5 %), devant l'Egypte et l'Iran à égalité, suivis par l'Arabie saoudite.


Pierre-Antoine Delhommais

Le Monde, Article paru dans l'édition du 07.05.05

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