dimanche, janvier 31, 2016

La reprise des circuits de financement est nécessaire pour favoriser l'investissement des entreprises françaises en Iran

Après l'amende record infligée à BNP Paribas, les banques françaises ne sont pas pressées de revenir en Iran. La reprise des circuits de financement est pourtant fondamentale pour les entreprises françaises. 


Depuis la levée officielle des sanctions européennes contre l’Iran le 16 janvier 2016, c’est le dernier obstacle de taille pour les entreprises françaises avides de reprendre leurs affaires avec Téhéran. La question du financement freine le retour des industriels tricolores en Iran. Avec la levée de l’embargo, les banques iraniennes vont accéder à nouveau dans les prochains jours au circuit bancaire international, grâce à la reprise des accords swift.

En revanche, les banques françaises sont encore réticentes à prêter à nouveau et à s’investir sur le marché iranien. Traumatisés par l’amende record infligée à BNP Paris en 2014 par les autorités américaines, les établissements bancaires préfèrent attendre. D’autant que contrairement à certaines banques régionales allemandes qui ne sont pas exposées au dollar, la plupart des grandes banques françaises ont des filiales aux Etats-Unis. "Aucun des cas de pénalités qui ont fait les gros titres n’ont impliqué l’arsenal de sanctions en train d’être levées", confirme un avocat américain, qui appelle à la prudence alors qu’une partie des sanctions américaines est encore maintenue.


"CE N'EST QU'UNE QUESTION DE MOIS"

Les Iraniens, qui manquent d’investissements, en font une priorité. Lors de sa visite officielle en France, le président iranien Hassan Rohani a rappelé l’importance de "la mise en place de garanties financières pour débloquer ces relations commerciales, alors que la concurrence est importante. Cette clef est entre vos mains""Les banques doivent reprendre leurs opérations pour faciliter le commerce courant", renchérit Majid Zamani, le Pdg de Kardan investment Bank présent dans la délégation iranienne, venu pour rencontrer des établissements français. Mais ses rencontres avec plusieurs banques d’investissement de la place lui laissent un goût amer. "Ils veulent bien faire des prestations de conseil mais rien de plus. Les groupes et les banques françaises ne veulent faire que de l’export, nous nous avons besoin qu’elles investissent", regrette le banquier.

Malgré leur empressement à conclure des contrats, les entreprises françaises doivent composer avec. Le groupe Fives a signé un accord cadre pour la fourniture d’équipements à une usine  d’aluminium primaire du groupe Imidro, pour 100 millions d’euros. Quasi achevé, le contrat est pour l’instant conditionné à la mise en place de moyens de financement. D’autres pourraient suivre pour un total de 400 millions d’euros. "Il faut être progressif et se conformer au rythme de levée des sanctions. Les banques vont prendre toutes les précautions mais ce n’est qu’une question de quelques mois", estime Frédéric Sanchez, le Pdg de Fives, dont le groupe réalisait, avant l’embargo, entre 150 et 200 millions d’euros de chiffre d'affaires annuel dans le pays.

La situation devrait s’améliorer rapidement. L’assureur-crédit Coface doit annoncer aujourd’hui la réouverture de ses prises en garanties publiques pour les crédits acheteurs en Iran. De quoi permettre de reprendre le commerce courant et assurer le financement d’une partie des grands contrats annoncés, d’autant que l’enveloppe devrait être significative.


DES BANQUES CHINOISES À L'AFFÛT

D’autres entreprises ont préféré contourner la difficulté, en passant par Dubaï, devenu le hub financier pour l’Iran depuis l’embargo. L’ETI de forge et estampage Manoir industrie a déjà signé une lettre d’intention avec un partenaire iranien pour fabriquer des pièces destinées à la pétrochimie, sans se soucier du financement. "Nous nous appuierons sur les banques chinoises, bien moins frileuses. Pour nous, l’Iran est un marché majeur", assure Eric Le Gouvello, le directeur général de Manoir industries, racheté par le groupe chinois Taihai il y a quelques années. Pour se faire payer de sa première commande décrochée il y a quelques semaines, une autre PME a facturé celle-ci au bureau de représentation en Alleagne de son client iranien. 

Mais à moyen terme, la frilosité des banques françaises pourrait pénaliser les entreprises dans leur conquête. En Italie, où le président Hassan Rohani s’est arrêté avant d’arriver en France, "deux banques italiennes ont décidé de reprendre leurs lignes de crédit avec l’Iran", souligne Majid Zamani.  L’assureur-crédit italien Sace a aussi repris ses garanties publiques vers Téhéran. "Comparé à l’Italie, les Français sont en train de prendre du retard", estime le banquier iranien.

Source : L'Usine nouvelle, 28 janvier 2016

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