mercredi, février 23, 2011

Une région marquée par les luttes d'influence entre chiites et sunnites

Source : Le Monde du 21.02.11

En Tunisie et en Egypte, la menace de l'islamisme était mise en avant pour justifier aux yeux des pays occidentaux le maintien de régimes de fer. A Bahreïn, c'est une supposée "cinquième colonne" iranienne qui remplit cet office de bouc émissaire. L'archipel, dirigé depuis le XVIIIe siècle par une dynastie sunnite, compte en effet une nette majorité de chiites (70 %) dont les responsables dénoncent à l'envi la discrimination sociale et politique dont ils sont les victimes.

Que la monarchie bahreïnie des Khalifa s'inquiète d'un irrédentisme iranien n'a rien de surprenant quand on sait que l'archipel fut longtemps revendiqué par les régimes successifs au pouvoir à Téhéran. Pour autant, au cours des deux dernières décennies, les principaux responsables chiites du Bahreïn ont toujours pris soin de ne pas prêter le flanc à cette critique.

Le cheikh Ali Salman, chef de la principale formation chiite, Al-Wifaq, a bien été formé à Qom, en Iran, mais il a pour modèle, selon la chercheuse Laurence Louër, Ali Al-Sistani, l'une des principales autorités religieuses du chiisme, installé à Nadjaf, en Irak. Lors de son exil forcé, de 1995 à 2001, pendant l'intifada des chiites contre le régime du Bahreïn, le cheikh Salman s'était d'ailleurs replié en Grande-Bretagne et non en Iran. Interrogés sur la défiance exprimée par les sunnites à leur égard, les chiites mettent en avant leurs votes "légitimistes" lors de deux consultations : celle organisée par l'ONU en 1971 à la fin du protectorat britannique et qui se traduisit par un refus de rattachement à l'Iran, et le référendum de 2001 (98 % de oui à une réforme de la Constitution), après l'arrivée au pouvoir de l'actuel souverain, Hamad Al-Khalifa.

Cette méfiance vis-à-vis de populations chiites dans un contexte régional marqué par la montée en puissance du régime iranien est également manifeste en Arabie saoudite. Dans ce royaume, les chiites sont très minoritaires mais concentrés dans la province de l'est qui jouxte Bahreïn et où se trouvent les principaux gisements de pétrole saoudien. Les chiites y représenteraient environ 30 % de la population. Cette province et l'archipel, reliés aujourd'hui par un pont, constituaient au Moyen Age, l'ancien Bahreïn.

Aiguisée par le sectarisme religieux qu'alimentent les sunnites les plus radicaux qui considèrent les chiites comme des mécréants, cette défiance s'est pourtant atténuée à partir de 2003 à la suite de la publication d'une pétition intitulée "Partenaires de la nation" signée par 450 personnalités chiites conduites par l'une des principales figures du chiisme saoudien, Hassan Al-Saffar, et par l'accueil très favorable du prince héritier Abdallah, régent de fait à cette date. Devenu roi en 2005, ce dernier s'est efforcé de conforter les liens avec cette minorité dans le cadre du dialogue national qu'il a initié. Comme à Bahreïn, les chiites saoudiens s'évertuent donc depuis ces dernières années à dissiper toute équivoque quant à des liens supposés avec le régime iranien en inscrivant leurs revendications dans un cadre strictement national.

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