samedi, mars 05, 2005

Le Moyen-Orient et le développement du marché gazier


D’origine identique à celle du pétrole, et souvent extrait des mêmes gisements, le gaz naturel a pendant longtemps été handicapé par une chaîne de valorisation relativement coûteuse. Bénéficiant d’un regain d’intérêt relativement récent, le gaz naturel devrait détrôner dès 2010 le charbon comme deuxième combustible dans le bilan énergétique mondial.

1- Le dynamisme de la demande mondiale de gaz devrait se maintenir au cours
des deux prochaines décennies.

Toutes les prévisions disponibles s’accordent sur une progression sensible de la demande mondiale de gaz naturel au cours des deux prochaines décennies. La consommation de gaz naturel, 2 591Mds de m3 (Gm3) en 2003, devrait doubler d’ici 2020, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Les qualités intrinsèques du gaz (particulièrement en matière d’environnement) en font un combustible de plus en plus recherché, notamment pour la génération électrique - secteur qui devrait représenter plus de 40% des débouchés en 2020.

2- Le commerce gazier mondial est amené à connaître un fort développement.

Bien que les réserves de gaz naturel soient globalement abondantes, leur répartition géographique n’est pas en phase avec celle des marchés en forte croissance. Alors que la consommation de gaz naturel des pays de l’OCDE (53% du total mondial en 2003) est appelée à poursuivre sa croissance, leurs réserves gazières sont inférieures à 10% du total mondial et déclinent tendanciellement.

Absorbant chaque année le quart de la production gazière mondiale, les Etats- Unis, de loin le plus important consommateur de gaz naturel de la planète, ne détiennent que 3 % des réserves. Autosuffisants jusqu’au milieu des années 1980, les Etats-Unis couvrent aujourd’hui environ les quatre cinquièmes de leur demande intérieure, les importations assurant le bouclage des approvisionnements.

Compte tenu du déclin inéluctable de ses ressources domestiques (3,2% du total mondial seulement en 2003) et de la croissance régulière de sa demande gazière, la dépendance de l’Europe (UE25/EEE1) à l'égard des importations pourrait atteindre 65 % d'ici 2020. La poursuite de la croissance de ses besoins et le souci d’une diversification minimale des approvisionnements (elle dépend déjà à plus de 40% du gaz russe) amèneront nécessairement l’Europe à recourir à un gaz provenant d’origines différentes.

Enfin, la poursuite de la croissance des besoins en Asie (14% de la consommation mondiale et 8% seulement des réserves prouvées) et l’émergence de la Chine et de l’Inde comme consommateurs de poids, notamment en substitution au charbon, renforceront le rôle de cette zone comme pôle gazier.

Si le potentiel gazier, déjà modeste, des pays de l’OCDE est en baisse, celui des pays de l’OPEP, notamment ceux du Moyen-Orient qui abritent à eux seuls 41% des réserves mondiales, est régulièrement révisé à la hausse grâce aux nouvelles découvertes et une meilleure connaissance des gisements qui sont déjà en exploitation.

L’épuisement progressif des réserves domestiques des zones consommatrices et la croissance concomitante de leurs besoins gaziers appelleront nécessairement une progression importante du commerce international de gaz naturel au cours des deux prochaines décennies. A l’horizon
2020, les flux internationaux de gaz naturel (gazoducs et méthaniers) pourraient représenter 32% de la production mondiale, contre 26% en 2003.

3- Le transport de gaz naturel liquéfié (GNL) par méthaniers constituera une
part importante du commerce futur du gaz.

La conséquence « mécanique » de l’éloignement croissant entre régions excédentaires en gaz et celles dont les besoins gaziers sont en constante progression sera un recours plus accru aux méthaniers compte tenu d’une meilleure rentabilité de ce dernier mode de transport sur grandes distances.

Faute de ressources proches (mis à part le Canada qui assure déjà la satisfaction des besoins gaziers des Etats-Unis à hauteur de 15%), les importations gazières de la première puissance économique mondiale se feront à l’avenir sous forme liquéfiée pour l’essentiel. Alors qu’ils ont réceptionné 10M tonnes/an (Mt/an) de GNL en 2003, les Etats-Unis pourraient importer entre 35 à 45 Mt/an en 2010 (8% de la demande intérieure) et près de 82 Mt/an en 2020 (14% de la demande intérieure).

Si les pays d’Afrique du Nord (Algérie, Libye) et de l’Ouest (Nigeria) resteront pour elle des fournisseurs importants, de même que la Russie, l’Europe regarde déjà vers le Moyen-Orient pour s’assurer l’accès à une proportion importante des réserves mondiales. Concernant cette seule région, l’Europe, qui importe déjà du GNL du Qatar et des EAU (contrats de court terme), compte désormais l’Egypte parmi ses fournisseurs gaziers (GNL) de long terme et pourrait recevoir du gaz d’Iran à terme plus éloigné.

La situation géographique de l’Asie a favorisé le développement des échanges par méthaniers entre les pays producteurs du sud (Australie, Brunei, Indonésie et Malaisie) et les pays consommateurs situés au nord. Environ 70% des échanges internationaux par méthaniers sont concentrés dans trois pays (Japon, Corée du Sud et Taiwan). Le développement récent des usines de liquéfaction au Moyen-Orient a représenté une étape majeure dans l’approvisionnement de ces pays, ouvrant la voie à de nouvelles sources.

Au-delà de la contrainte géographique liée à l’éloignement des sources d’approvisionnement, la percée du commerce gazier sous forme liquide a été favorisée par la réduction continue des coûts de la chaîne GNL. Le coût d’une tonne de gaz naturel liquéfié (GNL), de la production à la regazéification, en baisse régulière depuis plusieurs décennies, a encore diminué d’environ 20 % au cours des dix dernières années. Cette tendance devrait se poursuivre. On estime que les coûts de transport du GNL pourraient être réduits de 20 à 25% supplémentaires d’ici 2010.
Au total, la part du GNL dans le commerce mondial de gaz naturel, actuellement de 22%, devrait ainsi atteindre 29-30% en 2010 et 32-35% d’ici à 2020 (soit 214 Mt environ en 2010 et un peu plus de 310 Mt en 2020).

4- Le Moyen-Orient sera un pôle majeur pour les approvisionnements gaziers.

A l’instar de plusieurs autres pays producteurs, les pays du Moyen-Orient ont longtemps focalisé leur attention sur le développement et l’exploitation de leurs ressources pétrolières, brûlant même dans le passé le gaz naturel associé faute de pouvoir le valoriser.

Les politiques de diversification économique engagées par les pays de la zone (besoin de revenus additionnels et de création d’emplois pour les nationaux notamment) les ont amenés à rechercher des voies de valorisation de leur potentiel considérable en gaz naturel. Dans cette optique, ce fut d’abord la pétrochimie et les industries énergivores telles que l’aluminium qui ont été privilégiées avant que ces pays n’envisagent l’exportation, sous forme gazeuse ou liquide.

Le Qatar qui prévoit des exportations de GNL de 60 Mt dès 2010 et de près de 68 Mt en 2012 est déjà exportateur de GNL, de même que les Emirats arabes unis et Oman. L’Iran exporte déjà par gazoduc vers la Turquie, mais examine un développement rapide de terminaux GNL. Les trois projets iraniens (NIOC LNG d’une capacité de 9 Mt/an, Persian LNG d’une capacité de 14 Mt/an et Pars LNG) pourraient, s’ils sont concrétisés, permettre à l’Iran d’entrer dans le cercle étroit des exportateurs de gaz liquéfié. Enfin, le projet mené par TOTAL, Yemen LNG,
pourrait se concrétiser rapidement faisant du Yémen un exportateur supplémentaire de GNL dans la région.

Compte tenu de ces développements et de la croissance des besoins en Europe, en Asie et aux Etats-Unis, le Moyen-Orient sera dès 2012 au coeur de l’approvisionnement mondial en GNL. A cet horizon, la demande de GNL se répartirait à parts égales entre l’Est et l’Ouest d’une ligne passant par le Golfe arabopersique (Amériques : 21%, Europe : 25%, Extrême-Orient : 48%, Inde : 6%). La part du Moyen-Orient dans l’approvisionnement du monde en GNL, passerait de 21% aujourd’hui à près de 30%, estimation qualifiée de prudente par certains experts.

Déjà au coeur des approvisionnements mondiaux de pétrole brut, le Moyen-Orient s’impose progressivement comme source majeure de gaz naturel, renforçant le caractère névralgique de cette zone pour la satisfaction des besoins futurs de la planète en hydrocarbures.

Saïd NACHET
Conseiller pour les questions énergétiques
Mission Economique pour le Moyen-Orient
said.nachet@missioneco.org

Mars 2005

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