jeudi, mai 14, 2015

Une voiture électrique à Téhéran

C’est la première fois que les Téhéranais voient une voiture électrique circuler dans leurs rues. 


Pour une des villes les plus polluées du monde – à 80% en raison des véhicules-, la surprise est grande. Les passants la saluent, les automobilistes klaxonnent son passage ; au feu rouge, motards et conducteurs n’hésitent pas à doubler par la droite pour observer de plus près cette voiture si nouvelle.
Si la voiture électrique fascine ou interroge, c’est que les habitants connaissent une circulation hautement embouteillée à travers un constant nuage de pollution, stagnant dans cette cuvette cerclée de montagnes. 

A Téhéran, 70 000 des 7 millions de véhicules ont plus de trente ans et consomment 15 litres d’essence tous les 100 kilomètres. Les entreprises publiques de conception automobile produisent encore actuellement des voitures de basse qualité, en raison de défauts structurels internes et de l’offre restreinte par les embargos. La production d’essence connaît les mêmes problématiques : moins de 30% de la production iranienne correspond aux normes européennes (Standard Euro 4). La conjonction de ces produits de faible qualité est à l’origine d’une pollution intense.

Le sujet préoccupe les pouvoirs publics iraniens depuis plusieurs années. L’Iran est en effet dans le monde le pays qui subventionne le plus fortement l’énergie : ses habitants n’ont qu’à payer l’équivalent d’1 centime d’euro par kilowatt, et un litre d’essence ne coûte que 28 centimes d’euros. Les citoyens n’ont pas à s’inquiéter de leurs dépenses énergétiques et ont une telle consommation que l’Iran, pourtant deuxième réserve de pétrole et de gaz du monde, doit importer 10 millions de litres d’essence chaque jour pour subvenir aux besoins de ses automobilistes. L’Etat ne reçoit ensuite des citoyens que 25% de ce qu’il a payé pour l’importation, en raison des subventions précédemment évoquées. L’augmentation du nombre de véhicules et la démocratisation de leur usage en Iran placent le pays dans une situation peu viable à moyen terme : dans moins de 10 ans, le nombre de véhicules en Iran devrait avoir doublé, et l’Etat ne pourra plus assurer de telles subventions énergétiques.

Par chance, l’arrivée de la première voiture électrique en Iran en juin 2014 coïncide avec la Journée Mondiale de l’Environnement, pilotée par le Programme pour l’Environnement des Nations Unies. De nombreux évènements sont organisés à cette occasion en Iran par les Ministères de l’Energie et de l’Industrie pour sensibiliser la population à l’état de stress énergétique dans lequel se trouve le pays à court et moyen terme, pour avertir sur ses effets secondaires dans les domaines de la santé (l’Iran accuse notamment un taux très important de cancers des poumons et d’asthme) et de l’écologie (ex: assèchement progressif du lac d’Ourmia), et pour proposer des solutions novatrices. Fulmen, un des acteurs de l’électrique en Iran, est notamment sur le devant de la scène. Son PDG, Fereidoun Mahmoudian, souligne ici que l’Iran pourrait se permettre de retrouver une indépendance énergétique en banalisant et étendant l’utilisation de véhicules électriques. Le budget public y gagnerait par ailleurs puisque les subventions diminueraient considérablement, et la population plus largement bénéficierait des retombées positives de la baisse de pollution. Le récent rapport de l’entreprise propose notamment à l’Etat de subventionner d’abord des taxis électriques pour familiariser la population à ce type de véhicule, et amorcer une réduction de la consommation nationale d’essence et de la pollution. 

En Iran, chaque taxi consomme environ 30 litres d’essence par jour, que le gouvernement subventionne à raison de 7 500 dollars annuels par taxi. En quatre ans le gouvernement paie donc 30 000 dollars de subventions à chaque taxi, ce qui équivaut à l’achat d’une voiture électrique (une Nissan Leaf par exemple). Les chauffeurs de taxis ne verront pas leurs revenus diminuer par une telle mesure publique puisque le prix de l’électricité non-subventionnée revient moins cher que celui de l’essence subventionnée. Fulmen n’a pas hésité à utiliser la première voiture électrique à Téhéran pour sensibiliser ses habitants, organiser des réunions avec les ministères concernés, et présenter plus concrètement aux esprits scientifiques de l’Université de Technologie de Téhéran les bienfaits de l’électrique.

Source : Association Inspiring Through Initiative http://asso-iti.com

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