jeudi, mai 14, 2015

comment réinvestir un marché prometteur ?

La réouverture prochaine du marché iranien aux investisseurs français soulève une difficulté majeure : l’image de la France a pâti de l’inflexibilité de sa politique étrangère dans la région. Dans ces circonstances, comment regagner la confiance des partenaires iraniens ? Par une stratégie originale d’investissement culturel.


Quelle est l’image de la France en Iran ?
À compter de 2007, la France a affiché une position très dure vis-à-vis de l’Iran. Au même moment, les États-Unis entamaient un dialogue constructif, qui s’est soldé aujourd’hui par un préaccord sur la question nucléaire. Cette inversion des rôles n’est pas sans effets économiques : si les entreprises européennes ont été progressivement écartées par les grandes firmes américaines, ces dernières ont maintenu un dialogue actif avec l’Iran de façon à être en mesure de conquérir des positions dominantes le moment venu. Ce moment a sonné aujourd’hui.
Dans ces circonstances, comment réparer les dommages causés ?
Par une stratégie nouvelle et inventive misant sur la culture locale. La plupart des grandes entreprises qui investissement en Iran éprouvent des difficultés en raison de la rotation trop rapide des cadres sur place. En Iran, il faut s’installer dans le temps afin de s’imprégner de la culture nationale. Sans cette imprégnation, les incompréhensions se multiplient et les négociations mettent beaucoup plus de temps à se finaliser par des contrats.
Quels sont les obstacles les plus importants dans ces négociations ?
Nous oublions souvent que l’Iran à la différence de la France a été envahi pendant plus d’un millénaire par des puissances étrangères. Or, ces invasions ont eu des conséquences considérables sur les négociateurs. En premier lieu, c’est la culture du bazar qui a triomphé sur celle des hommes d’État. Face aux envahisseurs, l’inertie s’est imposée comme la force des dominés. La déliquescence de l’État a favorisé la lenteur et la corruption de ses agents.
Devant le despotisme des envahisseurs s’est développé un langage indirect et ambigu destiné à protéger les sujets de l’arbitraire du pouvoir. Incapables de maîtriser leur propre destin, les Iraniens ont attribué les malheurs du pays aux complots étrangers. Les longs siècles de domination ont par conséquent forgé une culture allant à rebours de la tradition française fondée sur le temps compté, la force de la loi, la bonne foi et le rayonnement.
Existe-t-il à l’inverse des points culturels communs que nous pouvons exploiter ?
Oui. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la Perse a été considérée pendant trois cents ans comme une autre France, une France de l’Orient. Ces points communs sont variés. On peut évoquer les similitudes entre le christianisme et certains aspects du chiisme comme le culte des saints ou l’importance du clergé. Le second point commun est l’importance d’une histoire qui fait partie intégrante de l’identité.
Mais il en existe bien d’autres comme l’art de la conversation, ou le poids accordé à la politesse, le ta’arof. C’est par conséquent en puisant dans notre identité profonde que nous serons les plus à même de renouer un dialogue constructif et prometteur avec l’Iran. 

Source : Les Echos 13/04/2015

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