lundi, décembre 18, 2006

Iran : libéralisme et guerre économique

Source : Blog de Jean-Pierre Chevalier, Business économiste, http://chevallier.turgot.org/

La situation économique en Iran en était a priori satisfaisante : le PIB de 187 milliards de dollars augmentait de 5,4 % avec une inflation contenue à 12 %, la masse monétaire M2 représentait seulement 50 % du PIB, les exportations (60 milliards de dollars) couvraient largement les importations (41 milliards), l’excédent de la balance des paiements de 13,5 milliards alimentait des réserves qui se montaient à 36 milliards de dollars (mais avec une dette extérieure de 24 milliards).

Cependant, la masse monétaire M2 a augmenté de 34 % en un an. La création monétaire pure (qui est égale à l’augmentation de M2 moins la croissance du PIB réel) très importante, de 30 % environ, révèle une détérioration considérable de l’économie qui est en réalité en récession avec une forte inflation plus ou moins cachée par des subventions de plus en plus importantes qui diminuent l’augmentation naturelle des prix créée par la pénurie qui atteint la plupart des secteurs. Par ailleurs, la courbe des taux est plate et à un niveau beaucoup trop élevé de 16 %, ce qui contribue à paralyser la croissance car les nouveaux projets ne sont pas rentables à ce niveau de taux d’intérêt.

L’économie iranienne est en réalité dans un état catastrophique qui vient du fait que les marchés ne jouent plus leur rôle d’entraînement car l’économie a été nationalisée à 80 % par les mollahs. En Iran comme partout ailleurs (en URSS par exemple), plus les marchés sont réduits, plus la croissance du PIB est faible (et inversement).

Les recettes tirées des exportations de pétrole et de gaz (49 milliards de dollars, 26 % du PIB) ne sont pas consacrées au financement d’infrastructures qui faciliteraient la croissance en augmentant la productivité mais à des dépenses militaires (avec la mise au point d’une bombe atomique) et au dopage de l’économie (par des subventions et des aides sociales) de façon à éviter un soulèvement populaire contre le régime qui accumule les erreurs économiques. Des économistes iraniens sont bien conscients de ces problèmes, mais ils sont impuissants face au pouvoir en place.

Les Américains ont tendu un piège machiavélique aux mollahs : non seulement ils les poussent à leur perte en les incitant à renforcer leur effort de guerre (comme ils l’ont fait jadis avec l’URSS, en particulier dans le domaine nucléaire), mais en outre, ils maintiennent les prix du pétrole à un niveau élevé, ce qui encourage les mollahs à poursuivre leur politique.

Le jour venu, il suffira de faire baisser les prix du pétrole (à la suite du ralentissement de la croissance aux Etats-Unis, ce qui est en train de se produire) pour que tout l’édifice chiite s’écroule : avec des exportations annuelles d’hydrocarbures en baisse à 40 milliards de dollars, la situation sera alors critique et désespérée en dessous de ce seuil.

Les prix du pétrole sont très volatils : ils varient de 10 à 80 US$ depuis une trentaine d’années (en dollars constants). Il est certain qu’ils ne resteront pas stables à un niveau élevé de 60 à 70 US$ : ils sont donc amenés à baisser, ce qui entraînera la chute du régime islamique en Iran.

Par ailleurs, la production d’hydrocarbures exige de très lourds investissements qui, depuis plusieurs années, ne sont plus réalisés parce que les risques que présente ce pays sont trop élevés à cause des islamistes au pouvoir). Les revenus pétroliers iraniens vont donc chuter du fait de la baisse des quantités exportées et des prix. La situation ne peut qu’empirer dans un avenir proche. Déjà, les quantités (en volume) de pétrole exporté stagnent, la hausse des ventes ne s’expliquant que par l’augmentation des prix.

Ainsi, les Américains auront gagné la guerre en la livrant uniquement sur le plan économique sans la confier aux militaires (qui ne sont généralement pas capables de les gagner !). Bien mieux : la guerre des idées sera finalement gagnée par les Américains car les Iraniens rendront responsables les Chiites de la dégradation de leur situation économique, surtout en considération de la prospérité qui régnait du temps du Shah dans le cadre d’un système libéral intégré au Monde Libre, et non pas contre lui.

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La politique des Américains en Iran repose sur son isolement, qui est malheureusement rompu par des pays de la Vieille Europe continentale, en particulier par la France dont les dirigeants politiques défendent depuis des décennies la théorie de l’eurasisme qui est censée regrouper les pays d’ancienne grande culture allant de l’Atlantique au Pacifique, intégrant au passage son influence sur l’Iran, le tout dressé contre le Nouveau Monde libéral représenté par les Etats-Unis. Les dirigeants d’entreprises françaises, de connivence, espèrent ainsi profiter de l’absence de leurs concurrents américains pour remporter des marchés rémunérateurs.

Cette politique française a déjà été menée dans les années 70 lorsque la France a accueilli Khomeini. Elle est ardemment défendue par Jacques Chirac et mise en œuvre par des entreprises comme Total, Renault, Peugeot, BNP, etc. Elle sera catastrophique à terme car elle symbolisera la collaboration avec le régime honni des mollahs.

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Le cas de l’Iran est édifiant : ce qui fait la richesse d’une nation et de ses habitants, ce ne sont pas ses richesses naturelles, pétrole ou autre, mais le travail des hommes. Le sous-sol de l’Irlande ne présente aucune trace d’hydrocarbures, la tourbe rend le sol inculte, et pourtant les Irlandais qui mouraient de faim au XIX° siècle sont devenus les plus prospères du monde en une vingtaine d’années.

Les revenus du pétrole ne créent aucune richesse durable s’ils ne sont pas utilisés pour dynamiser les marchés qui sont les seuls à pouvoir créer de la richesse (comme l’ont fort bien compris les dirigeants du Parti Communiste Chinois). Ils peuvent même être un obstacle au développement comme le montre l’Iran en cassant le jeu des marchés et en créant de l’inflation. Il en est de même de l’aide aux pays pauvres qui devrait être prohibée. Seule l’ouverture des marchés (la mondialisation) permet aux pays émergents… d’émerger.

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Des informations très intéressantes sur la situation en Iran sont disponibles sur le site de la mission économique française, ce qui est rare car les analyses de ces établissements ne brillent pas généralement par leur qualité : http://www.missioneco.org/iran/infopays.asp

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Sur l’eurasisme, lire

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26/12/2006


Actualisation au 28 décembre : d’après les déclarations d’un parlementaire à un journal iranien, la situation nette de l’Iran est déjà négative fin décembre. Les 10 milliards de réserves nettes qui apparaissaient fin septembre 2006 ont fondu, certainement à cause de la baisse des exportations de pétrole en prix et en volume, de l’augmentation des subventions et des aides sociales, du prix très élevé des investissements militaires et du désengagement de la Russie.

Le degré de liberté du régime iranien est maintenant nul. Sa chute prochaine entraînera celle du Hezbollah, du Hamas et des Chiites irakiens. Le nouveau Grand Moyen Orient voulu par les Américains est sur le point de finir à se mettre en place.

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