C'est l'histoire d'une ruée vers l'or lancée il y a deux ans et qui n'a encore pas donné de pépites. La levée des sanctions internationales de l'Iran initiée en juillet 2015 devait susciter un afflux d'investissements étrangers de 50 milliards de dollars par an, se vantait le président Hassan Rohani. En fait, son vice-président, Eshagh Jahanguiri, a reconnu récemment que seulement… 2 milliards ont été injectés dans le pays depuis lors. La faute au maintien de sanctions américaines qui dissuadent les banques occidentales de travailler en dollars en Iran, au point que le pays est un des rares au monde où les cartes bancaires internationales ne servent à rien.

Tout établissement financier se verra fermer l'immense marché des Etats-Unis s'il s'avère qu'il fait affaire avec des pasdarans listés comme terroristes par l'Ofac américain, un risque élevé vu l'opacité du monde des affaires iranien. Les pasdarans, qui détestent la concurrence des étrangers et contrôlent beaucoup d'actifs économiques, ne sont d'ailleurs pas les derniers à se réjouir de ce blocage. Ceux qui investissent en Iran sont ceux qui ont peu d'intérêt aux Etats-Unis ou disposent des moyens de faire le travail de « due diligence » permettant de vérifier, en liaison avec Washington, que leurs partenaires ne sont pas liés aux pasdarans, explique un observateur.

Les importateurs se débrouillent toutefois, « en payant en cash, en réalisant du troc, par exemple viande contre tapis, ou en utilisant les services d'un agent à l'étranger », souligne Mortez Miri, vice-président de la Maison de l'industrie, des mines et du commerce. D'autres utilisent des petites banques allemandes, italiennes ou chinoises, à l'image du patron d'une firme de matériel électrique, Said Jannesarghamsari. Qui salue « l'ouverture d'une porte, malgré les déceptions inévitables sur le niveau de vie et le chômage ». « Mais il faut voir qu'on vient de loin », précise-t-il. « Il est impossible de résoudre des décennies d'isolement du jour au lendemain, mais on est sur la bonne voie, avec une stabilisation de la monnaie, la chute spectaculaire de l'inflation, et même un début d'amélioration du niveau de vie puisque les salaires augmentent de 12 % en rythme annuel », renchérit Negar Tiermourzaedh, patronne du cabinet de conseil stratégique Sarcheshmeh.

Grâce notamment à une gestion un peu plus rigoureuse des dépenses publiques que sous l'ère Ahmadinejad, l'inflation est passée de 40 % il y a quatre ans à 9,5 % aujourd'hui. Alimentée notamment par les exportations de pétrole , remontées à 2,5 millions de barils par jour, contre 1 million sous les sanctions, la croissance s'avère vigoureuse, à 6,6 % en rythme annuel en mars dernier (le FMI ne prévoit pas plus de 4 % sur les douze prochains mois), mais insuffisante pour faire reculer le chômage touchant 12,5 % de la population active, voire 27 % chez les jeunes, souligne l'économiste Mohammad Hashem Pesaran. Chaque année le pays « produit » deux fois plus de diplômés de l'enseignement supérieur que d'emplois.

En sus d'une hypothétique levée des sanctions américaines résiduelles, le chantier du prochain président sera de réduire une pauvreté qui touche un Iranien sur trois (le SMIC ne dépasse pas 250 euros), de limiter la dépendance aux hydrocarbures, qui représentent toujours plus de 90 % des exportations et la majorité des recettes fiscales, et de s'attaquer aux sureffectifs clientélistes d'un secteur public hypertrophié. Elargir l'assiette fiscale aux fondations religieuses exonérées, les puissantes Bonyad, semble aussi indispensable. Des décisions contraires aux convictions affichées par Raissi.

Source : Les Échos