dimanche, août 23, 2015

Les gagnants de la réouverture du marché iranien.

Lesehos.fr, par Pierrick Fay

La Turquie et Dubaï devraient profiter en premier lieu de l'accord iranien. L'Europe se place à moyen terme.

Le prochain retour de l'Iran dans le concert des nations ne va pas bouleverser que le marché pétrolier. Il ouvre aussi de nombreuses opportunités aux entreprises. L'Iran est, en effet, perçu comme une puissance économique en devenir, un mixte, selon Bank of America - Merrill Lynch (BofAML), entre l'Arabie saoudite, pour sa richesse pétrolière et l'Egypte pour la taille de sa population (78 millions d'habitants). « L'Iran est la 18e économie du monde en termes de parité de pouvoir d'achat. Le retrait graduel et partiel des sanctions pourrait favoriser le rebond rapide de la demande domestique, surtout si les exportations de pétrole se normalisent au niveau d'avant 2012 », date de l'embargo pétrolier de l'Union européenne, expliquent les analystes de BofAML. Selon l'Economist Intelligence Unit, la croissance iranienne pourrait accélérer, passant de 2 % prévu cette année à 5,2 % par an entre 2016 et 2019. « Nous anticipons une reprise économique, soutenue par la croissance des revenus pétroliers, l'accès aux actifs gelés à l'étranger [100 milliards de dollars] et le retour des investissements directs de l'étranger », estime pour sa part Deutsche Asset & Wealth Management (DAWM).

Dans les starting-blocks

Les entreprises asiatiques, européennes et américaines sont donc dans les starting-blocks, alors que le retrait des sanctions « pourrait faire passer les importations de l'Iran de 80 milliards de dollars aujourd'hui à 200 milliards à terme », selon BofAML. Mais les premiers gagnants de l'accord ne seront pas forcément ceux-là. « Nous pensons que les Emirats arabes unis et la Turquie sont les mieux placés pour profiter de la hausse potentielle du commerce avec l'Iran », selon la banque américaine. Les Emirats arabes unis d'abord, en tant que hub de services dans la région, en particulier Dubaï, qui « pourrait être largement utilisé comme place de départ pour les entreprises internationales désireuses d'accéder au marché iranien. Déjà, il y a 17 vols quotidiens entre Dubaï et l'Iran », note DAWM. La Bourse de Dubaï a d'ailleurs pris 3,2 % depuis l'annonce de l'accord. De nombreuses compagnies turques seraient aussi bien placées à l'instar d'Icecek (embouteilleur de Coca-Cola), du pétrolier Genel ou des constructeurs auto Tofas et Dogus Otomotiv.

Selon BofAML, quelques entreprises occidentales apparaissent, tout de même, bien placées pour tirer leur épingle du jeu à moyen terme comme Saipem, ENI, Total dans l'énergie, mais aussi Airbus ou Peugeot et Renault dans l'automobile. « L'Allemagne, et notamment les constructeurs automobiles, pourrait bénéficier de ses traditionnelles bonnes relations avec l'Iran », ajoute de son côté Deutsche Asset & Wealth Management.

Baisse du prix du pétrole

Mais, prévient le gestionnaire allemand, les « effets commerciaux directs seront probablement très limités, spécifiques à certaines valeurs, et pourraient prendre du temps à se matérialiser ». Même si la fin de l'embargo sera tout de même « positive pour les entreprises ayant des filiales significatives en Iran et pour les groupes présents dans la construction et les services parapétroliers qui pourront aider à la reconstruction du pays ». Mais le principal effet positif pour les entreprises européennes pourrait surtout venir de la baisse du prix du pétrole. Selon BofAML, « l'offre iranienne pourrait pousser les prix du pétrole à la baisse de l'ordre de 5 à 10 dollars par baril», la banque américaine tablant sur un point d'équilibre long terme du baril de brent entre 60 et 80 dollars.

L'Iran prêt à s'ouvrir à Google et d'autres sociétés de service internet

L'Iran est prêt à autoriser l'installation du géant internet américain Google, mais les autorités lient cet assouplissement aux discussions sur le programme nucléaire iranien

L'Iran est prêt à autoriser l'installation du géant internet américain Google et d'autres sociétés de service internet s'ils respectent sa culture, a déclaré dimanche un haut responsable iranien cité par l'agence Fars.

"Nous sommes prêts à négocier avec toutes les grandes sociétés internet pour qu'elles fournissent des services sur le marché iranien dans le respect des conditions culturelles", a déclaré le vice-ministre des Télécommunications, Nasrollah Jahangard, dans un entretien à l'agence.

"Nous sommes aussi prêts à mettre à la disposition de Google ou d'autres sociétés les moyens de l'Iran pour fournir des services à la région" en installant leurs serveurs dans le pays, a-t-il ajouté.

40 millons d'interntautes, mais de nombreux sites bloqués

L'Iran, qui compte 40 millions d'internautes sur une population de près de 78 millions, bloque de nombreux sites à caractère politique ou pornographique ainsi que des réseaux sociaux, en particulier Twitter et Facebook, depuis les grandes manifestations de juin 2009 qui contestaient la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad. Ces réseaux sociaux étaient massivement utilisés par les opposants pour mobiliser leurs partisans.

M. Jahangard a toutefois affirmé que les sanctions imposées contre l'Iran à cause de son programme nucléaire pouvaient "créer des problèmes aux compagnies américaines".
 "Elles attendent que la situation juridique soit réglée mais d'autres compagnies étrangères ont déjà commencé à discuter avec nous", a-t-il ajouté, sans donner de détail.

La question du programme nucléaire iranien

L'Iran et les pays du 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) doivent poursuivre jeudi en Suisse leurs discussions sur un accord historique garantissant la nature uniquement civile et pacifique du programme nucléaire iranien en échange d'une levée des sanctions internationales asphyxiant l'économie de ce pays. Les deux parties tentent d'arracher un accord avant la date du 31 mars.

Une police de la "cyber-criminalité"

L'Iran travaille depuis près de deux ans à un accès sélectif et contrôlé des réseaux sociaux, plutôt qu'à un blocage total de sites dont le contenu déplaît aux autorités de la République islamique. Une police de la "cyber-criminalité", chargée de faire la chasse aux contenus illicites et aux blogs contestataires a également été créée et plusieurs animateurs de ces blogs ont été arrêtés.

Enfin, l'Iran a lancé récemment son propre moteur de recherche, yooz.ir, dont les serveurs se trouvent dans le pays.

Source: La tribune

Rapport de Reporter sans frontières sur l'accès et les services internet en Iran

En Iran, plus de plus de 150 fournisseurs d’accès à Internet ou entreprises de service s’annonçant comme telles se partagent le marché. Depuis 2009, nombre de ces services ont été privatisés, mais ils n’en sont pas devenus indépendants du régime pour autant. Les plus importants sont toujours affiliés au pouvoir. Tous les fournisseurs d’accès à Internet rendent des comptes au gouvernement. Parmi les plus importants : le leader, DCI, propriété des Gardiens de la Révolution, mais aussi Novinnet,ShatelAsretelecomPardisPersian-netTehrandat,NedaAskiran ou Tavana.

Internet en Iran

Population : 77 000 000Nombre d’utilisateurs d’Internet : 25 200 000Taux de pénétration d’Internet : 32,8 %Journalistes emprisonnés : 26Net-citoyens emprisonnés : 20Tué en 2012 : 1

Source: Banque Mondiale [1]

Réalités et fantasmes du réseau iranien

L’Iran est connecté au réseau Internet depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Pour des raisons économiques et politiques, les autorités ont développé les infrastructures au point de faire de l’Iran le pays de la région doté du plus grand nombre d’internautes [2]. Ce réseau est tenu par le régime des Mollahs, qui contrôle infrastructures, technologies, organes de régulation et a mis en place une législation liberticide.

Si la grande majorité des Iraniens s'informe par la télévision [3], la Toile joue un rôle essentiel de circulation de l’information grâce à l’action des dissidents et des acteurs de l’information, qui relaient des faits ou des opinions non présentés dans les médias traditionnels et témoignent de la répression. Le régime accuse régulièrement les réseaux sociaux d'être des instruments à la solde des puissances occidentales supposées comploter contre le régime. La vitesse de la bande passante en Iran est devenue un indicateur de la situation politique et du degré de surveillance par les autorités. À la veille d’échéances sensibles susceptibles de susciter des manifestations, la bande passante est ralentie pour éviter l'échange de photos et vidéos. La Toile iranienne n’est pas plus politisée qu’une autre, mais incontestablement plus surveillée. La spécificité du filtrage dans le pays : tout ce qui s’éloigne de la ligne officielle est automatiquement réputé “politique”, et à ce titre filtré ou surveillé. Des sites de mode, de cuisine ou de chansons se retrouvent souvent bloqués, à l’instar des sites indépendants d’information ou d’opposition.

“Internet halal”

Serpent de mer depuis dix ans, le projet dément de créer un “Internet propre” (c’est-à-dire en accord avec les “valeurs” de la Révolution) en Iran commence à prendre forme. En septembre 2012, le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad a accéléré sa mise en place, la justifiant par les vagues de cyberattaques contre ses installations nucléaires [4]. Il a bénéficié du soutien de l’Ayatollah Ali Khamenei, Guide suprême de la République islamique.

La construction de ce réseau parallèle, doté d’une vitesse de connexion élevée, mais surveillé et censuré dans son intégralité, doit se terminer rapidement. A terme, les serveurs locaux sont censés héberger tous les sites iraniens. Les applications et services tels que boîtes mails, moteurs de recherche, réseaux sociaux et opérateurs devraient être développés sous le contrôle du gouvernement [5]. Le lancement imminent de cet Intranet à l’échelle nationale est inquiétant. II permettra le gommage systématique des voix dissidentes et la surveillance à grande échelle des internautes iraniens.

Seules les administrations sont pour l’instant connectées au réseau national, mais il est à craindre que les citoyens iraniens n’aient à terme pas d’autre choix que de leur emboîter le pas. Selon des informations collectées par Reporters sans frontières, le gouvernement projette d’abaisser la vitesse de connexion du réseau international (pourtant plafonné aujourd’hui à seulement 128Kb/s [6]) et d’en augmenter le prix d’abonnement, rendant ainsi l’offre d’abonnement à l’Internet national bien plus intéressante, et plus rapide.

Dispositif de surveillance

“In reference to the Cyber Crimes Law, access to the requested website is not possible.”

La République islamique d’Iran dispose d’un arsenal technologique et législatif lui permettant de surveiller son réseau. Filtrage, mainmise sur les fournisseurs d’accès à Internet, interdictions et espionnage des contenus de mails, discussions tchat ou VoIP sont devenus légaux en Iran.

La complexité de la politique intérieure du pays et l’imminence des échéances électorales ajoutent à la surveillance “légale” un caractère opaque, imprévisible et parfois “illogique”. En témoignent lesblocages de sites pro-régime ou l’imbroglio administratif qui a suivi le filtrage de Google en Iran.

Surveillance “officielle” et guerres intestines

La situation politique est telle qu’il est aujourd’hui presque impossible de définir exactement la nature des contenus filtrés. Depuis l’accès au pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad, les autorités, institutions, commissions et comités responsables de la gestion du réseau se sont multipliés. Ils font la pluie et le beau temps de l’Internet iranien sans logique et sans concertation, en raison d’intérêts politiques parfois divergents.

Les fournisseurs d’accès à Internet ont l’obligation de s’identifier auprès du gouvernement et les sites Internet doivent obtenir une licence auprès de la Telecommunication Company of Iran (TCI). Les blogs doivent également “s’enregistrer” auprès du ministère de la Culture et de l’orientation islamique (MCOI) avant d’être passés au crible par le groupe de travail de détermination de contenus criminels [7]et le “Conseil suprême du cyberespace”, dirigé par Mahmoud Ahmadinejad et composé de ministres, de Gardiens de la Révolution et de proches du Guide suprême [8].

Pour que les informations circulant sur Internet ne contreviennent pas à l’esprit et aux “valeurs de la Révolution”, le filtrage est effectué à tous les niveaux par listes noires, mots-clés, URL [9], IP etc., en fonction des des tensions politiques internes. Plusieurs sites d’opinions, y compris conservateurs (comme les blog d’Amir Hassan Sagha ou de Mehdi Khazali [10]) et proches de la présidence (comme le site d’information Shomanews) ont ainsi été bloqués. En 2012, plusieurs blogueurs proches de Mahmoud Ahmadinejad ont été poursuivis sur initiative du procureur de Téhéran, pour avoir dénoncé les proches de l’Ayatollah Ali Khamenei. Les rivalités au sommet du pouvoir entre les clans d’Ali Khamenei et de Mahmoud Ahmadinejad font de plus en plus de victimes au sein des médias conservateurs.

La censure concerne également des sujets moins polémiques, comme la mode ou certains jeux en ligne, comme Travian [11]. Les mots-clés relatifs à la pornographie étant “évidemment” bannis des moteurs de recherches.

Les dirigeants iraniens surveillent à la fois l’accès aux sites d’informations hébergés à l’étranger et en Iran. Les sites de médias étrangers (en anglais comme en farsi) sont très fréquemment bloqués, voire copiés ou détournés. La BBC a ainsi découvert en janvier que les internautes iraniens souhaitant accéder au site bbcpersian.com, ont en réalité été redirigés vers persianbbc.ir, dont les contenus sont bien plus en adéquation avec les valeurs de la Révolution [12]. De même, les sites de Voice of AmericaKaleme ou Jaras sont inaccessibles sans l’utilisation d’outils de contournement.

Les médias sociaux dans le collimateur

Le chef de la police iranienne, Esmaeil Ahmadi Moghadam, a annoncé [13] en janvier 2013 que le gouvernement développait une technologie permettant de mieux surveiller les réseaux sociaux,Twitter et Facebook en tête. Un “contrôle intelligent” permettant “d’éviter les maux des réseaux sociaux” tout en “bénéficiant de leurs applications utiles”. De cet aphorisme sibyllin, il faut comprendre que le compte Twitter du Guide suprême sera accessible au contraire de ceux d’opposants politiques ou de journalistes occidentaux. Alors que les officiels du régime iranien sont présents sur les réseaux sociaux, Esmaeil Ahmadi Moghadam a estimé que ce contrôle serait “plus efficace” que les blocages purs et simples.

S’il y a de quoi douter des capacités de l’Iran à mettre en place les infrastructures nécessaires [14], le projet n’en est pas moins effrayant. D’autant que les principaux réseaux sociaux Facebook et Twitter, jusqu’alors bloqués, sont à nouveau accessibles depuis le 20 février 2013 [15]. Loin d’être une bonne nouvelle, cette ouverture est probablement une nouvelle tentative de surveillance des utilisateurs.

Outils techniques

Parmi les outils dont dispose par le pouvoir iranien pour contrôler son réseau, on retrouve des outils de filtrage mais aussi, selon des sources interrogées par Reporters sans frontières, des outils d’interception de données type DPI (Deep Packet Inspection). Des rapports [16] et enquêtes ont fait état de produits chinois aidant le régime iranien à surveiller sa population, mettant en cause notamment les géants ZTE [17] et Huawei [18]. Le DPI fourni par Huawei à Mobin Net, principal fournisseur national de réseau sans fil haut débit permet entre autre d‘analyser les contenus d’e-mails, retracer les historiques de navigation ou bloquer l’accès à des sites. Les produits de la firme ZTE, vendus à la Telecommunication Company of Iran (TCI), offrent sensiblement les mêmes services, ainsi qu’une solution de surveillance du réseau mobile [19].

D’autres solutions d’espionnage et d’analyse de données proviennent d’entreprises européennes. On retrouve des produits conçus notamment par les entreprises Ericsson [20] ou Nokia Siemens Networks [21] (puis Trovicor). Ces entreprises ont vendu en 2009 à Mobile Communication Company of Iran et Irancell, les deux plus importantes entreprises de téléphonie mobile du pays, des produits permettant l’interception de SMS ou la localisation des utilisateurs [22]. Ces produits ont été utilisés pour identifier les citoyens iraniens lors du soulèvement post-électoral de 2009.

Plus étonnant, du matériel de surveillance israélien a été répertorié parmi les outils utilisés par le régime. La solution de gestion et surveillance de trafic NetEnforcer a effectivement été fournie par Israël au Danemark, avant d’être revendue en Iran[23]. De la même manière, du matériel américain s’est retrouvé sur le territoire iranien par le biais de l’entreprise chinoise ZTE [24]. Outre ces solutions de surveillance, les dirigeants iraniens utilisent les attaques de type man-in-the-middle afin d’intercepter les données envoyées lors de l’accès à des sites web sécurisés en https [25].

Un puissant appareil institutionnel

L’État dirige ou contrôle presque toutes les institutions de régulation, de gestion ou de législation relatives aux télécommunications dans le pays. La création du Conseil suprême du cyberespace en mars 2012 démontre que le pouvoir centralise ses compétences en matière de surveillance d’Internet. Ce conseil dirige désormais la politique numérique. Le Guide suprême a nommé Mahmoud Ahmadinejad a à sa tête. Le Conseil a autorité sur les fournisseurs d’accès à Internet. Selon son secrétaire général Mehdi Akhavan Behabadi, il lui revient de prendre les décisions majeures et de coordonner les institutions relatives à Internet.

Lors de la privatisation du secteur en 2009, les Gardiens de la Révolution ont remporté (on imagine sans mal) un appel d’offres leur permettant d’acquérir la Telecommunication Company of Iran (TCI) La TCI est le propriétaire du principal fournisseur d’accès à internet du pays. Les Gardiens de la Révolution dirigent le Centre de surveillance des délits organisés et son site officielGerdab. Le site a activement participé à la traque des net-citoyens, appelant à leur dénonciation [26]. Les Gardiens de la Révolution, qui contrôlent également le puissant groupe de travail de détermination de contenus criminels, sont ainsi à l’origine d’un grand nombre de censures sur Internet et d’arrestations d’acteurs de l’information.

Les ministères de la Culture et de l’Orientation islamique (MCOI), des Renseignements et des Technologies d’Information et de Communication ont leur part dans le contrôle d’Internet. Mais leurs décisions n’échappent pas aux conflits politiques internes. Récemment, le MCOI, proche d’Ahamadinejad, a demandé aux opérateurs de téléphonie mobile de surveiller les messages textes en vue des prochaines élections [27]. Cette décision n’a pas fait l’unanimité à la tête de l’État puisque l’Autorité de Régulation des communications a nuancé l’annonce et précisé que seuls les messages “commerciaux” seraient bloqués.

Le 26 février 2013, Mahmoud Ahmadinejad a placé à la tête du ministère des Technologies d’information et de communication l’un de ses lieutenants, Mohamed Hassan Nami [28], doctorant en stratégie d’État à l’université de... Pyongyang [29]. Nul doute qu’un militaire formé en Corée du Nord ne devrait pas adoucir les législations liées aux nouvelles technologies d’information et de communication.

Outre ces entités législatrices, il existe une cyberpolice (FETA). Cet organe est à l’origine notamment d’un décret de janvier 2012 sur les nouvelles régulations pour les cybercafés. Les clients doivent désormais présenter leur identité et accepter d’être filmés par des caméras de surveillance. Les gérants des établissements ont l’obligation de conserver les enregistrements vidéos, les coordonnées complètes des usagers et la liste des sites visités pendant six mois.

Une législation de plus en plus liberticide

En 1979, la Constitution iranienne inscrivait dans le marbre la liberté d’expression et proscrivait l’usage de la surveillance non prévue par la loi : “l'inspection et l’interception de courriers, la divulgation et l'enregistrement des conversations téléphoniques, ou la divulgation de communications télégraphiques ou télex, la censure, l'écoute, et toute forme de surveillance est interdite, à moins d'indication par la règle de droit” indique l’article 25. De même, l’article 24 stipule que “les publications et la presse jouissent de la liberté d’expression, sauf s’ils portent atteinte aux principes de l’Islam et à la morale publique” [30].

Toutefois, les exceptions prévues par ces deux articles ont été largement exploitées par les autorités. La loi de 1986 sur la presse (amendée en 2000 et en 2009 pour englober les publications en ligne) permet au pouvoir de vérifier que les acteurs de l’information ne “portent pas atteinte à la République islamique”, “n’offensent pas le Guide suprême” ou ne “diffusent pas de fausses informations”. Les amendements de la loi sur la presse obligent les publications en ligne à obtenir une licence.

La République islamique a franchi un pas de plus vers le renforcement de la cybercensure en 2009, quinze jours après la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad, en signant la Computer Crime Law (CCL). Cette loi a permis la création duGroupe de travail de détermination de contenus criminels, qui décide désormais de ce qui est conforme ou pas aux lois de la République islamique (et donc in fine ce qui est publiable et ce qui ne l’est pas). La CCL oblige tous les fournisseurs d’accès à Internet à enregistrer toutes les données échangées par leurs utilisateurs pendant six mois sous peine de sévères sanctions à l’égard des FAI ne remplissant par leur rôle. Les internautes publiant des contenus illégaux ou se servant de moyens détournés pour accéder aux contenus bloqués sont passibles de lourdes peines de prison. Les membres du groupe de travail ne s’accordent pourtant pas sur le caractère illégal d’outils de contournements, comme le VPN, par exemple [31]. Malgré le fait que la République islamique produise et vende elle-même des VPN dits “halal”.

Principales violations de la liberté de l’information

La combinaison de ces puissants arsenaux technologiques, d’un carcan législatif et d’un contexte politique interne divisé forme un cocktail explosif dont la première victime est le peuple iranien, qui voit sa liberté d’information foulée aux pieds. Le début de l’année 2013 a été marqué par une vague d’arrestations “préventives” dans la perspectives de l’élection de juin 2013. Le régime anticipe le scrutin afin d’éviter une vague de protestations - relayée par les médias et sur Internet - du même type que celle de juin 2009.

Le 27 janvier 2013, lors du “Dimanche noir”, le régime a mené une opération coup de poing, perquisitionnant les sièges de cinq publications téherénaises (Etemad, Arman, Shargh, Bahar et Aseman), arrêtant une quinzaine de journalistes et annonçant que de nombreux journalistes seraient convoqués devant les tribunaux [32]. Surveillés par les renseignements iraniens, ces journalistes sont accusés de “collaborer avec des Occidentaux et des contre-révolutionnaires basés à l’étranger”. Vingt jours plus tard, une autre dizaine de journalistes, net-citoyens, activistes politiques et membres de la société civile ont été convoqués ou arrêtés dans le pays [33]. Durant leurs interrogatoires, ils ont été menacés et enjoints de ne mener aucune activité dans le cadre de l’élection présidentielle de juin 2013. Il leur a été demandé de révéler l’identité de leurs contacts Facebook ou Twitter et les raisons pour lesquelles ils étaient “connectés” avec ces derniers.

Le 18 février, Ahmad Bakshaysh, membre de la Commission de la Sécurité nationale du Parlement, avait déclaré au journal Roozonline que le responsable des Affaires culturelles du ministère des Renseignements lui avait dit que “ces arrestations sont préventives ; elles ont pour but d’empêcher l’activité d’un réseau à l’intérieur et extérieur du pays, à l’approche de l’élection présidentielle de juin 2013 […]. Ce réseau encourage ses journalistes à interviewer les différents responsables du régime pour montrer leurs divergences […]. A l’issue de leur détention, certains d’entre-eux ont compris leur erreur et sont prêts à témoigner dans ce sens […]”. Ahmad Bakshaysh conclut : “Je pense qu’il faisait référence aux aveux télévisés”. Car en plus de la surveillance avouée de ces journalistes et des intimidations qui leur ont été faites, "les inspecteurs exercent des pressions psychologiques lors des interpellations pour que les journalistes avouent des activités d'espionnage" raconte Reza Tajik, journaliste iranien réfugié en France. "Ces aveux sont filmés et diffusés ensuite à la télévision".

Ces rafles ponctuent un second mandat de Mahmoud Ahmadinejad marqué par la surveillance, la censure et l’arrestation de nombreux journalistes ou blogueurs. Reporters sans frontières rappelle la mort en détention du blogueur Sattar Beheshti, incarcéré le 31 octobre 2012, dans des circonstances toujours inconnues. Les éléments actuels portent à croire qu’il a succombé à des coups reçus lors de son interrogatoire. Les responsables de sa mort n’ont pas été inquiétés et aucune enquête indépendante n’a été menée.

Le régime tente d’infiltrer les réseaux des journalistes, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Arrêté en 2010, le journaliste Saeid Pourheydar raconte avoir subi des mauvais traitements lors de son interrogatoire. Les agents du renseignement iranien lui ont brandi les retranscriptions de ses conversations téléphoniques, ses mails et ses SMS [34]. Les prisonniers qu’il a rencontrés ont relaté des faits similaires. Cette méthode est courante et démontre le niveau élevé de surveillance des journalistes en Iran.

Les journalistes exilés ou émettant de l’étranger - et notamment ceux qui collaborent avec Radio Free Europe et la BBC - reçoivent régulièrement des emails contenant des logiciels malveillants. Certaines tentatives d’hameçonnage ont été fructueuses. Les journalistes étrangers autorisés à se rendre sur le territoire iranien sont surveillés de près, ainsi que leurs activités sur Internet. S’ils se connectent sur les réseaux iraniens, leurs données sont immédiatement épiées s’ils n’utilisent pas d’outils de sécurisation des communications ou d’anonymisation.

A l’approche de l’échéance électorale de juin 2013, la répression ne devrait pas cesser de se renforcer.

Quelques solutions techniques

Réseau privé virtuel (VPN) :

Afin de contourner le blocage et la censure de contenus en Iran, les citoyens peuvent utiliser les technologies de réseau privé virtuel (virtual private network : VPN). L’état iranien vend d’ailleurs ce type de technologie, afin de profiter d’un marché florissant en Iran et pour empêcher que les net-citoyens ne se fournissent à l’extérieur. Malgré les réglementations de la Computer Crime Law (CCL, voir plus haut), l’utilisation de VPN iranien est légale en Iran. Les VPN étrangers sont en revanche interdits. Pourtant, ce sont bien ceux-là qu’il est recommandé d’utiliser. L’État iranien ne fournit pas innocemment des technologies pour contourner sa propre censure. Le fournisseur de VPN a la possibilité d’observer et d’analyser tout le trafic passant par le VPN. En effet, si le trafic est chiffré entre le client (l’ordinateur de l’internaute) et le serveur, entre le serveur VPN et Internet, le trafic n’est plus chiffré. Celui qui contrôle le serveur, les autorités iraniennes dans le cas des VPN d’État, a alors toute latitude pour observer et analyser le trafic.

The Onion router (Tor) :

Tor est un outil d’anonymisation, protégeant les données privées de ses utilisateurs lors de leur navigation sur internet. En Iran, Tor est utilisé pour pallier aux VPN, lorsque ceux-ci se retrouvent bloqués. Son utilisation réduit cependant considérablement la vitesse de navigation. Les internautes préfèrent utiliser les VPN et considèrentTor comme une solution de remplacement. L’utilisation seule de Tor est à bannir, car l'Etat iranien a la possibilité de demander aux fournisseurs d’accès d’identifier le trafic Tor, aisément reconnaissable, et donc d’en connaître la provenance.

Il existe toutefois une possibilité pour les citoyens de déguiser le trafic Tor : Obfsproxy. Selon les développeurs de cette solution, les fournisseurs d’accès à internet ne peuvent plus détecter le traficTor lorsque Obfsproxy est lancé.

Conseils

Les moyens de surveillance du régime iranien évoluent constamment, les conseils prodigués ci-dessous sont donc à prendre avec précaution car s’ils sont valables aujourd’hui, ils ne le seront peut-etre plus demain. L’essentiel est de bien connaître et de constamment évaluer le contexte dans lequel on évolue et les menaces auxquelles l’on est est exposé afin d'être en mesure de mettre en place les solutions adaptées.

Ne pas utiliser les VPN nationaux. Utiliser un VPN controlé par les autorités iraniennes équivaut à court ou moyen terme à se jeter dans la gueule du loup.Le régime n'a aujourd'hui pas les moyens de surveiller des millions de citoyens. Quelques précautions de base telles que la mise à jour régulière de son système d’exploitation et des logiciels installés, l’utilisation d’un anti-virus, d’un VPN et l’utilisation systématique du protocole https lorsque cela est possible permettent de se prémunir d’une grande partie des menaces.Une bonne “hygiène électronique”, ne pas cliquer sur des liens envoyés par un destinataire inconnu, ne pas télécharger de logiciels dont on ne connaît pas la provenance, ne pas accepter de demandes de contacts de la part d’inconnus sur les réseaux sociaux, identifier systématiquement l’expéditeur d’un email avant d’ouvrir les pièces jointes associées, permet d’éviter l’infection de son ordinateur par un Spyware.Lorsque des sites bloqués depuis longtemps, tels que Facebook, Youtube ou Twitter, sont de nouveau accessibles, c’est souvent pour les autorités un moyen de récupérer les noms d’utilisateurs et mots de passe grâce à la mise en place d’une attaque Man-in-the-middle. L’utilisation d’un VPN ne permet pas seulement de contourner la censure, il permet également et surtout de se soustraire aux moyens de surveillance d’un réseau grâce au chiffrement des communications échangées entre le serveur et le client.[1]http://data.worldbank.org/indicator/IT.NET.USER.P2/countries/1W?display=graph[2] Les chiffres sont toutefois régulièrement “gonflés” par le ministère de la Communication iranien.[3]http://www.global.asc.upenn.edu/fileLibrary/PDFs/FindingaWay.pdf[4] http://fr.rsf.org/iran-lancement-imminent-de-l-internet-21-09-2012,43430.html[5] https://citizenlab.org/2012/11/irans-national-information-network/[6] http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/12/05/iraniens-encore-un-effort-pour-nationaliser-l-internet_1798592_3218.html[7] Ce comité est placé sous la responsabilité du parquet de Téheran.[8] http://fr.rsf.org/iran-iran-12-03-2012,42014.html[9] Liste des URL bloquées : https://citizenlab.org/data/iranreport/[10] http://fr.rsf.org/iran-la-repression-sans-fin-du-regime-06-03-2012,42003.html[11]http://www.bbc.co.uk/persian/science/2013/01/130104_na_travian_blocked_iran(farsi)[12] http://www.guardian.co.uk/world/2013/jan/24/iran-fake-blog-smear-campaign-journalist-bbc[13] http://www.dw.de/intelligent-software-set-to-control-social-media/a-16507868[14] https://citizenlab.org/2013/01/middle-east-and-north-africa-cyberwatch-january-2013/[15] information en date du 1er mars 2013[16]http://www.freedomhouse.org/sites/default/files/77_121312.pdf[17] http://www.reuters.com/article/2012/04/10/us-zte-iran-aryacell-idUSBRE8390T720120410[18] http://www.washingtonpost.com/world/national-security/iran-preparing-internal-version-of-internet/2012/09/19/79458194-01c3-11e2-b260-32f4a8db9b7e_story.html[19] http://www.reuters.com/article/2012/12/05/us-huawei-iran-idUSBRE8B409820121205?utm[20] http://www.reuters.com/article/2012/11/20/us-iran-ericsson-idUSBRE8AJ0IY20121120[21] http://online.wsj.com/article/SB124562668777335653.html[22] http://www.bloomberg.com/news/2011-10-31/iranian-police-seizing-dissidents-get-aid-of-western-companies.html[23] http://www.bloomberg.com/news/2011-12-23/israel-didn-t-know-high-tech-gear-was-sent-to-iran-via-denmark.html[24] http://www.reuters.com/article/2012/03/22/us-iran-telecoms-idUSBRE82L0B820120322[25]http://gallery.mailchimp.com/7fdb14e291091d23007369520/files/IIIP01.pdf[26] http://www.gerdab.ir/fa/pages/?cid=407[27]http://www.roozonline.com/persian/news/newsitem/archive/2013/january/14/article/-c463e593b1.html[28] http://www.president.ir/en/cabinet[29] http://articles.washingtonpost.com/2013-02-18/world/37155039_1_kim-il-sung-university-north-korea-key-post[30] Troisième chapitre de la constitution de la République islamique d’Iran, principes 24 et 25.[31] http://opennet.net/sites/opennet.net/files/iranreport2013.pdfpp. 20-21[32] http://fr.rsf.org/iran-le-guide-supreme-ali-khamenei-28-01-2013,43959.html[33] http://fr.rsf.org/iran-le-ministere-des-renseignements-20-02-2013,44098.html[34] http://www.bloomberg.com/news/2011-10-31/iranian-police-seizing-dissidents-get-aid-of-western-companies.html

L’ouverture du marché iranien rapportera des milliards de dollars à Moscou

Selon la chaîne allemande Deutsche Welle, l’ouverture du marché iranien, suite à la levée des sanctions, entraînera une forte concurrence entre les investisseurs étrangers, mais la Russie n’aura pas d’égal dans le nucléaire civil et l’industrie militaire.

La Chine sera le concurrent numéro un de la Russie sur le marché iranien, mais Moscou se retrouvera dans une position prioritaire, affirme la chaîne de télévision allemande Deutsche Welle.

« Les discussions sur l’accord sur le programme nucléaire iranien, qui prévoit une réduction notable par Téhéran du nombre des installations d’enrichissement d’uranium en échange de la levée des sanctions américaines et européennes, ne sont pas encore achevées (…). Mais des sociétés russes ont déjà commencé à sonder le terrain en vue de nouer des liens avec l’Iran en cas de levée des sanctions », a indiqué DW.

L’industrie automobile, aéronautique et les chantiers navals russes sont prêts à lancer des projets conjoints avec l’Iran. Les constructeurs automobiles AvtoVAZ, GAZ et KamAZ ont déjà entamé des négociations sur la mise en place d’usines d’assemblage en Iran. La compagnie pétrolière russe LUKOIL s’apprête aussi à relancer sa coopération avec Téhéran.

La Russie n’a pas d’égal dans certains secteurs, surtout dans le domaine de la coopération militaire et technique. « Il est peu probable que l’Iran commence immédiatement à acheter des armements occidentaux, la méfiance réciproque est toujours présente. La Russie a donc une chance d’obtenir des contrats de plusieurs milliards de dollars », estime Iouri Barmine, analyste du Delma Institute pour la Russie et le Proche-Orient.

Selon lui, le groupe nucléaire public russe Rosatom « restera l’acteur étranger numéro un sur le marché iranien » notamment grâce à la construction de la deuxième tranche de la centrale nucléaire de Bouchehr.

Selon Alexeï Portanski, professeur au Haut collège d’économie de Moscou, les secteurs les plus prometteurs de la coopération russo-iranienne sont la métallurgie, l’industrie aéronautique, le secteur des constructions mécaniques, l’agriculture et le secteur énergétique. Les aciéries russes pourraient augmenter leurs exportations vers l’Iran de 60% à 70%. Les Chemins de fer russes peuvent aussi signer des contrats avec l’Iran.

Selon Nina Mamedova, chef du bureau iranien à l’Institut des études orientales de Moscou, la Russie rivalisera avec la Chine sur le marché des investissements iranien.

D’après les experts, Téhéran compte en outre renforcer ses liens économiques avec l’Occident dans les hautes technologies et les investissements.

L’Iran, un marché très convoité

La levée des sanctions économiques et financières appliquées à Téhéran par la communauté internationale ouvre la voie à une réintégration de l'Iran sur la scène économique internationale. De pays peu fréquentable, l'Iran devient un pays très convoité.

La diplomatie n'est pas la seule à se réjouir de l'accord conclu ce mardi entre l'Iran et les grandes puissances. Les investisseurs se frottent eux aussi déjà les mains. Car ils voient les perspectives que cela leur ouvre. Avec ses 80 millions d'habitants, l'Iran est un marché conséquent. Et après 35 ans de sanctions et d'embargo, les besoins en équipement sont immenses. « Depuis le début des sanctions économiques de la communauté internationale, l'Iran n’a pas pu développer toutes les technologies qu’il aurait pu », indique Sébastien Regnault, économiste spécialiste de l'Iran. Non pas par manque de savoir-faire, mais de management et de gestion. « Là, les entreprises occidentales, pour les premières, mais aussi russes et chinoises, ont un potentiel énorme à développer dans ce pays », estime-t-il.

Les investisseurs n'ont cependant pas les mêmes objectifs. Pour les Chinois et les Russes, déjà bien implantés dans le pays, la priorité est de maintenir, voire d'augmenter les parts de marchés acquises du fait du départ des Occidentaux liés à l'embargo. Pour les Occidentaux, l'enjeu est autre : il s'agit arracher de nouveaux marchés pour relancer une croissance molle.

L'énergie, un secteur très attractif

Certains secteurs sont plus attractifs que d'autres. C'est le cas de l'énergie, avec le pétrole et le gaz dont l'Iran possède les deuxièmes réserves au monde. Avant le durcissement des sanctions, l'Iran produisait 4,1 millions de barils par jour, contre 3,3 actuellement. Les géants pétroliers, avant même un accord à Vienne, préparaient leur retour. Certains n'ont d'ailleurs jamais quitté le territoire.

Pour Francis Perrin, président de Stratégies et politiques énergétiques (SPE), l'accord conclu ce mardi va surtout profiter aux compagnies pétrolières européennes. « Ces sociétés européennes ont l’avantage d’avoir déjà travaillé en Iran par le passé. Notamment Total, qui d’ailleurs a conservé un bureau de représentation à Téhéran pour maintenir le contact. D’autres compagnies européennes comme Shell, société anglo-hollandaise et Eni, le groupe italien, ont également travaillé en Iran et s’efforcent également de préparer leur retour. »

L'automobile et l'aéronautique aussi

Il y a aussi le secteur gazier qui permettrait à l'Europe de limiter sa dépendance au gaz russe. Celui du transport est également très prometteur. Le marché de l'automobile est ainsi très convoité. Renault est déjà présent, Peugeot, lui, souhaite y revenir. C'est aussi le cas de l'aéronautique. « L'Iran doit remplacer une centaine d'appareils d'ici une dizaine d'années », indique Sébastien Regnault. Airbus et Boeing seraient déjà sur les rangs pour répondre à cette demande. Sans oublier le secteur du BTP avec de nombreuses infrastructures à construire : des routes, des aéroports, ou des hôpitaux.  Enfin, les industries de l'agroalimentaire ou encore de la chimie, où là aussi de nombreuses sociétés françaises sont dans les starting-blocks.

Mais le retour de l’Iran sur la scène économique internationale va prendre du temps, estime Mohammad-Reza Jalili, professeur à l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève. « La vie économique ne dépend pas simplement des évolutions pratiques. Il y a une dimension psychologique. On sent déjà une certaine reprise sur le marché iranien, tempère-t-il.Les devises étrangères par rapport à la monnaie iranienne ont perdu un peu de valeur, les activités sur le marché iranien connaissent un démarrage avant même que les sanctions ne soient levées. »

RFI.FR, 14 juillet 2015

La concurrence va être rude en Iran

L'accord sur le nucléaire devrait entrainer la levée des sanctions économiques contre l’Iran début 2016. Les entreprises françaises sont dans les starting-blocks pour faire leur retour sur le marché iranien. En dix ans, les exportations françaises ont été divisées par cinq et la France n’arrive plus qu’en septième position des principaux fournisseurs de Téhéran. Pour Thierry Coville, chercheur spécialiste de l’Iran à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), les entreprises ont tout à gagner à revenir sur le marché iranien. 

L'Usine Nouvelle : Les entreprises françaises sont-elles en bonne place pour profiter de la levée des sanctions contre l’Iran ?
 Thierry Coville : Les entreprises françaises s’intéressent énormément à ce marché. La France était avant l’embargo le deuxième fournisseur de l’Iran. C’est un pays de 80 millions d’habitants, qui compte les premières ressources au monde de gaz et est peu endetté. Avant 2010,Peugeot y vendait 450 000 véhicules, son deuxième marché après l’Europe. Mais beaucoup de concurrents ont tiré profit de l’absence des entreprises européennes pour prendre des parts de marché. Les entreprises chinoises sont restées, les Indiens aussi. Il faut aussi compter sur les entreprises turques. Les entreprises américaines, qui étaient parties pour beaucoup au moment de la révolution, sont en train de négocier leur retour. La concurrence va être plus intense en Iran. Bon nombre d’entreprises françaises ont déjà relancé leurs réseaux en Iran, le Medef y avait organisé en début d’année dernière une délégation. Les entreprises françaises ont un avantage : elles bénéficiaient d’une bonne image avant l’embargo.

Dans quelle situation économique est l’Iran aujourd’hui ?
Après l’embargo européen sur le pétrole et les sanctions américaines qui interdisaient aux banques de travailler avec l’Iran,  l’inflation a atteint 45 % en 2012 et le PIB s’est effondré de 6 %. Après l’élection de Rohani en 2013, l’inflation et la récession ont ralenti. Sa volonté affichée de négocier un accord a permis à la monnaie de se raffermir. Pour 2014, le FMI prévoit désormais un retour à la croissance de 3 %, même si l’effondrement des prix du pétrole devrait impacter l’activité. Mais le problème de l’économie iranienne est le chômage, officiellement de 10 % mais probablement proche de 18 à 20 % de la population active. En particulier, il touche beaucoup de jeunes diplômés, alors que l’Iran compte 80 millions d’habitants. La levée des sanctions produit une énorme attente au sein de la population. La difficulté pour le gouvernement va être de bien gérer cette période, alors que des réformes sont nécessaires. Plutôt que d’importer massivement, le gouvernement veut renforcer la compétitivité de l’industrie nationale.  Il faudra aussi de l’argent pour recapitaliser le secteur bancaire mais aussi pour relancer les dépenses d’infrastructure qui ont été quasiment inexistantes depuis trois ans et la mise en place de l’embargo. Le gouvernement devra aussi s’engager dans la privatisation de l’économie, alors que le secteur privé ne représente encore que 15 % de l’économie. Cela peut représenter des opportunités pour les entreprises.

Les entreprises françaises ne risquent-elles de payer l’attitude de fermeté de Paris lors des négociations?
Il ne faut pas surestimer les problèmes diplomatiques. Il est possible que sur de gros contrats, l’Etat manifeste sa mauvaise humeur mais les Iraniens sont pragmatiques. Il y a des opportunités dans tous les secteurs. Dans l’aéronautique, presque toutes les flottes d’avions sont à renouveler, le gaspillage de l’eau et le traitement de l’eau sont un vrai problème. Les privatisations peuvent être une opportunité pour des sociétés étrangères. Il y a aussi un marché important dans l’automobile mais aussi l’agroalimentaire, les services informatiques.

Propos recueillis par Solène Davesne 
Usinenouvelle.com, 16 juillet 2015 

Le précédent BNP Paribas inquiète les entreprises françaises tentées par l'Iran

Les entreprises et banques françaises qui souhaitent réinvestir en Iran à la faveur de l'accord conclu avec Téhéran sur le nucléaire oscillent entre enthousiasme économique et prudence juridique un an après l'amende infligée à BNP Paribas.

"Il y a une opposition entre les directeurs commerciaux qui voient un marché très prometteur et les directeurs financiers qui voient des risques encore importants", souligne Alexandre Sudron, cofondateur du cercle Iran Economie. "Chaque entreprise est en contact avec sa banque, le but du jeu est de restaurer des réseaux financiers le plus rapidement possible".

La levée des sanctions qui étouffent l'économie iranienne depuis près de dix ans devrait intervenir après le 15 décembre, date de la remise du rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) sur le respect des obligations prises par Téhéran concernant son programme nucléaire.

Attendue de longue date par des investisseurs attirés par les perspectives offertes par un marché iranien prometteur, cette mesure a été assortie d'un "snap back", un rétablissement automatique des sanctions si Téhéran ne tient pas parole, de quoi refroidir l'enthousiasme des banques.

"Quand en avril Laurent Fabius a prononcé le mot 'snap back', pour les entreprises c'était un mot dramatique", indique Alexandre Sudron. "Après, il y a une vraie croyance dans le processus politique qui est en cours, l'ouverture va faire que ce processus va être irréversible. Des deux côtés, cela coûterait extrêmement cher de revenir dessus".

INHIBITIONS

Au delà du snap back, l'amende de plus de 8,9 milliards de dollars infligée l'an dernier à BNP Paribas pour des transactions avec des pays soumis à embargo des Etats-Unis, au premier rang desquels l'Iran, est dans tous les esprits.

"Il y a un vrai sujet qui est de voir comment les entreprises françaises, les banques mondiales et américaines réagissent à la levée des sanctions, à quelle vitesse, avec quelles inhibitions", dit une source diplomatique française.

"Pour investir, les chefs d'entreprise ont besoin d'une sûreté absolue", ajoute cette source. "Ils ont besoin de financement mais les banques ne financent que si elles sont sûres de ne pas se faire pénaliser plus tard parce qu'il y aura eu une interprétation erronée d'un texte."

Conformément au Foreign Corrupt Practices Act, Washington a un droit de regard sur les transactions réalisées en dollars même si elles sont menées par une entité non américaine.

Certaines sanctions américaines devant rester en vigueur, Paris, Berlin et Londres ont engagé une démarche auprès des Etats-Unis pour éviter que les entreprises européennes reprenant pied en Iran connaissent la même mésaventure que BNP Paribas.

"Beaucoup de banques qui sont capables de financer toute une série d'investissements ont également des filiales aux Etats-Unis et travaillent parfois en dollars", a souligné le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, cette semaine.

"Il faut arriver à ce que, puisque les sanctions vont être levées mais qu’elles pourraient être rétablies si jamais il y avait des manquements, on élimine le risque de ce qu'a par exemple connu l'entreprise Paribas."

Une cinquantaine de chefs d'entreprises, en majorité du Cac 40, seront reçues mardi au Quai d'Orsay pour faire le point après la conclusion de l'accord à Vienne, selon un diplomate.

L'ouverture des transactions financières est le point clef, souligne-t-on au Medef, dont une délégation de 80 entrepreneurs se rendra fin septembre en Iran avec un accent sur les secteurs de l'énergie, des villes durables ou encore de l'automobile.

"Ce qui bloque pour l'instant, et l'effet BNP Paribas y est pour quelque chose, ce sont les transactions financières", dit-on au Medef international. "Tant que ce point n'est pas levé, des contacts seront pris, des accords seront passés mais on ne pourra pas être très concrets sur des exportations, des investissements. Il faut que ce point fondamental de levée des sanctions sur les transactions financières soit effectif."

CARTES A JOUER

Avec 80 millions d'habitants, majoritairement jeunes, le marché iranien attire les convoitises. La France, qui avait une position confortable avant l'instauration des sanctions, doit désormais composer avec la Chine et les Etats-Unis et la concurrence s'annonce rude.

A Paris, on évoque des "perspectives économiques importantes" tout en refusant de parler d'eldorado économique.

"Il faut faire attention, ce n'est pas la ruée vers l'or, ce n'est pas le marché chinois ni indien, il peut y avoir des déceptions", souligne-t-on au Medef. Mais la France a une carte à jouer dans le secteur automobile, où la France conserve une bonne image, ou encore dans le secteur du luxe.

La "ligne dure" observée par la France dans les négociations ne devrait pas avoir d'impact pour les entreprises françaises malgré les mises en garde d'un ministre iranien qui estimait que Paris risquait de passer à côté de quelque 80 milliards de dollars de potentiels contrats dans le secteur des transports.

"C'était une posture de négociation qui, à l'époque, était nécessaire", estime Alexandre Sudron. "La France est un partenaire historique pour l'Iran, on a eu de très bonnes relations politiques et économiques".

"On a toujours dit qu'on n'avait rien contre l'Iran mais qu'on avait un problème de non prolifération nucléaire", ajoute la source diplomatique. "On était exigeant, comme eux, mais jamais méprisants ou absurdes dans nos demandes, donc on va voir",ajoute cette source, rappelant que François Hollande avait été le premier dirigeant occidental à rencontrer le président iranien Hassan Rohani en 2013.

Usinenouvelle.com, 27 juillet 2015

mercredi, août 12, 2015

Avec la levée des sanctions, l'Iran s'attend à une ruée des investisseurs

L'Iran, vaste pays de 78 millions d'habitants riche en pétrole et en gaz, s'attend à une ruée des investisseurs étrangers dès la levée des sanctions internationales prévue dans l'accord nucléaire conclu mardi avec les grandes puissances.

Le vice-chancelier et ministre de l'Economie allemand, Sigmar Gabriel, se rendra dès dimanche en Iran où il séjournera jusqu'à mardi prochain "avec une petite délégation composée de représentants des secteurs allemands de l'économie et de la science", ont indiqué mercredi ses services. Son ministère avait réaffirmé plus tôt que l'économie allemande avait "un grand intérêt à une normalisation des relations" entre les deux pays.

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius a de son côté annoncé à une date non fixée sa venue en Iran où les entreprises françaises, en particulier dans le secteur automobile, sont déjà bien implantées, mais ont souffert des sanctions internationales imposées depuis 2006.

La ministre italienne du Développement économique, Federica Guidi, a également annoncé qu'elle était prête à partir pour Téhéran à la tête d'une mission commerciale qui sera mise sur pieds "dans les prochaines semaines".

L'accord conclu à Vienne prévoit à moyen terme la levée progressive et réversible des sanctions en échange de l'engagement de Téhéran de limiter ses ambitions nucléaires.

"Les entreprises sur le point de bénéficier le plus immédiatement" de la levée des sanctions "sont celles qui sont déjà présentes en Iran", selon Ramin Rahii, directeur à Téhéran de Turquoise Partners qui conseille les investisseurs étrangers. Parmi elles figurent de grands groupes comme Danone, Airbus, LVMH et PSA.

Le constructeur automobile français PSA Peugeot Citroën, qui avait quitté son deuxième marché en volume en 2012, a mené des "discussions intenses" avec son partenaire Irankhodro pour créer une nouvelle co-entreprise.

En Allemagne, la perspective d'une levée des sanctions a été saluée par la puissante fédération de l'industrie BDI, qui juge "réaliste" un volume d'exportations allemandes vers l'Iran à moyen terme de plus de 10 milliards d'euros, contre 2,4 milliards d'euros en 2014, notamment grâce au besoin de modernisation de son industrie, surtout de l'industrie pétrolière.

De "nouvelles chances" se présentent notamment pour les secteurs des machines-outils, de l'automobile et de la chimie, selon BDI. La fédération allemande des machines-outils VDMA a chiffré à 8 milliards d'euros le potentiel du marché iranien dans ce secteur.

Mme Guidi a rappelé que "l'Italie était le premier partenaire économique et commercial de l'Iran avant les sanctions", souhaitant que son pays retrouve cette place.

Les exportations italiennes avant les sanctions s'élevaient à 1,15 milliard d'euros, selon la SACE (services d'assurance du commerce extérieur). Elles pourraient atteindre 4 milliards en 2018. Le secteur des machines-outils représentait plus de la moitié des exportations avant 2011 (57,9% du total), suivi par les produits chimiques (8,4%) et métallurgiques (7,7%).

Le secteur pétrolier iranien, vieillissant et sous-développé depuis dix ans, a lui aussi un besoin urgent d'investissements.

L'Iran, qui possède les quatrièmes réserves mondiales de pétrole, a vu sa production chuter à moins de 3 millions de baril par jour (mbj) depuis 2012, et ses exportations diminuer de moitié, environ 1,3 mbj actuellement contre 2,5 mbj en 2011.

L'Iran possède également les premières réserves mondiales de gaz dont il a été l'an dernier le 4ème producteur mondial.

"Notre priorité est de développer nos champs de pétrole et de gaz en utilisant les potentiels nationaux et étrangers", a déclaré le ministre iranien du pétrole, Bijan Zanganeh. Il a également indiqué que son pays voulait "accélérer" le développement de l'industrie pétrochimique.

Mais les gros investisseurs attendent en priorité que l'Iran soit reconnecté au réseau international de transactions bancaires SWIFT, qui empêche la plupart des entreprises présentes en Iran de transférer directement des fonds de ou vers ce pays.

"Cependant", selon une note d'un cabinet juridique de la City à Londres, "la grande question est de savoir si le système bancaire occidental va autoriser ses clients à traiter avec l'Iran". "Si ce n'est pas le cas, alors le monde international des affaires pourra légalement commercer" avec ce pays, "mais il aura les mains liées, car ses banques refuseront de l'autoriser à être payé".

Source: trends.be, 15 juillet 2015