mardi, janvier 31, 2006

Vers la création d’une entreprise irano-russe

La Russie et l’Iran sont parvenus à un accord sur certains aspects de la proposition russe de créer une entreprise conjointe d’enrichissement d’uranium. «Le plan russe est au stade de l’étude la plus sérieuse et les négociations en la matière se poursuivent.

A l’heure actuelle, Téhéran et Moscou sont parvenus à s’entendre sur certains éléments de la proposition de la Russie, notamment sur l’augmentation des participants à ce projet», a déclaré samedi aux journalistes le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki.

Toutefois, il reste encore à débattre avec la Russie les problèmes liés à l’emplacement de l’unité de traitement d’uranium, ajoutait-il. Le ministre a insisté aussi sur la nécessité d’éviter un transfert du dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité de l’ONU.

«Si lors de sa prochaine réunion le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique décide de renvoyer le dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le gouvernement de la République islamique sera obligé, conformément à la décision du Parlement, d’arrêter la coopération volontaire avec l’Agence, avertissait Mottaki.

Le 10 janvier 2006, Téhéran, rappelle-t-on, avait décidé de reprendre ses recherches et levé, en présence des inspecteurs de l’AIEA, les scellés sur plusieurs de ses centres nucléaires. Cette démarche avait provoqué des réactions négatives en Occident où les dirigeants iraniens étaient accusés de manière intempestive d’avoir agi en violation des accords internationaux.

A la demande de la troïka européenne (Grande-Bretagne, Allemagne, France) le Conseil des gouverneurs de l’AIEA tiendra le 2 février à Vienne une réunion extraordinaire pour décider des suites à donner au dossier nucléaire iranien, sans écarter l’éventualité de son transfert devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

Le 25 janvier, le président Russe, Vladimir Poutine, prenait l’initiative et avançait une proposition qui permettrait de surmonter l’une des contradictions du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). En effet, l’article 4 du TNP reconnaît aux Etats non détenteurs de l’arme nucléaire le droit de développer le nucléaire civil, alors que les autres articles du traité interdisent formellement à ces Etats de parvenir à la possession d’armes nucléaires.

L’absence d’une délimitation claire entre la technologie nucléaire civile et militaire avait permis à la République démocratique et populaire de Corée (RDPC) de mettre au point, en toute légalité, dans le cadre du Traité de non-prolifération, des know-how pour le nucléaire civil et s’est retirée par la suite du TNP, après avoir acquis la maîtrise des technologies nucléaires.

L’initiative du président Poutine est censée priver les pays non détenteurs de l’arme nucléaire d’une telle possibilité. En plus clair, ces Etats, explique-t-on de source compétente russe, «pourront toujours développer leur nucléaire civil, mais les know-how les plus dangereux, pouvant notamment être utilisés à des fins militaires, et en premier lieu ceux d’enrichissement d’uranium, ne seront mis au point que sur des sites internationaux et sous contrôle international».

«Dans le même temps, les Etats non nucléaires n’enrichiront pas eux-mêmes l’uranium et ne pourront pas tirer du plutonium du combustible nucléaire brûlé», ajoute-t-on. Par conséquent, la mise en application de l’initiative du président Poutine «permettra de développer largement le nucléaire civil, tout en respectant strictement le régime de la non-prolifération», conclut-on.

Téhéran avait qualifié la proposition russe de «positive», mais jugeait que son «perfectionnement» était nécessaire, alors que la tendance générale en Iran penchait plutôt pour l’accueil de l’entreprise en territoire iranien. «Beaucoup d’aspects autour de cette proposition restent à éclaircir», affirmait Ali Laridjani, le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale d’Iran.

Pour lui, «le lieu où l’enrichissement de l’uranium se fera, les conditions de l’implication de spécialistes (iraniens) dans le processus technologique d’enrichissement du combustible nucléaire et la participation de pays tiers au projet», sont là des questions essentielles dont le règlement nécessitera plusieurs rounds de négociations russo-iraniennes.

Les pourparlers entre Moscou et Téhéran sur le sujet sont programmés pour le 16 février prochain, soit 13 jours après la réunion extraordinaire du Conseil des gouverneurs de l’AIEA. A l’approche de cette réunion, les menaces font place aux déclarations nuancées et, bien que timidement, la voie diplomatique semble reprendre le pas.

Le ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw s’était montré plutôt conciliant samedi, lorsqu’il invitait à un compromis avec Téhéran sur le dossier nucléaire qui devrait «préserver le sentiment de dignité nationale» de l’Iran.

Straw admettait aussi que, dans le passé, la politique des Occidentaux vis-à-vis de l’Iran avait engendré parfois un sentiment «d’humiliation» chez les Iraniens, rappelant le soutien au shah avant la révolution islamique et l’appui de l’Occident à l’Irak dans sa guerre contre celle-ci.

De son côté, s’il évoque la «possibilité réelle» de sanctions internationales contre l’Iran, le président américain George W. Bush reconnaît aux pays le droit d’accéder à la technologie nucléaire pacifique et dit clairement préférer la manière diplomatique pour le règlement du dossier nucléaire iranien.

A la chaîne de télévision CBS, il affirmait cependant que le recours à la force militaire contre l’Iran était une «option», mais qu’elle était la «dernière». Une position plutôt en retrait et moins belliqueuse que celle du Congrès américain, dont la résolution adoptée à l’unanimité, sans débat, intimait au Conseil des gouverneurs de l’AIEA de transférer le dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité pour d’éventuelles sanctions.

Quant à la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité, son porte-parole Kong Quan se prononçait jeudi dernier sur l’initiative russe : «Nous pensons que cette proposition est une bonne tentative pour sortir de l’impasse», disait-il.

Mohamed El-Baradei, qui se trouve à la tête de l’AIEA, pense à rétablir la confiance entre l’Iran et ses contradicteurs et estime que cela demande quelque temps. De son côté, Téhéran a souligné à maintes reprises que si le dossier était transmis au Conseil de sécurité de l’ONU, l’Iran ne se limiterait plus aux travaux de recherche en matière d’enrichissement de l’uranium, envisagerait leur industrialisation et dénoncerait le TNP.

par Mohamed Zaâf, Jeune-independant.com

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