mardi, février 04, 2014

Entreprises françaises : A la conquête de l'Iran

Le Medef, ainsi qu'une centaine de chefs d’entreprise, sont en Iran pour 2 jours. Le but, profiter de la levée partielle des sanctions économiques pour se positionner sur un marché dynamique et prometteur. Décryptage avec Alexandre Sudron, initiateur et membre du Cercle Iran Économie.


Atlantico Business : Concrètement, quels sont les secteurs qui pourraient inciter les entreprises françaises à investir ?


Alexandre Sudron : Le marché iranien est dynamique, le secteur des services y est développé. Ce pays dispose d’une classe moyenne forte, en difficulté, mais présente, éduquée, et internationalisée, qui regarde vers l’extérieur. La demande est importante en biens d’équipement et de consommation. C’est un créneau d’activités présentes et futures pour les entreprises françaises. Il ne faut pas voir l’Iran uniquement par son pétrole ! L’automobile française montre les possibilités d’une économie dynamique au PNB par habitant qui a toujours été élevé pour la région. Pour 2012, les investissements français représentent environ 800 millions d’euros, contre 1,6 milliard en 2011 d’après l’ambassade française en Iran. Et 2013 va confirmer la baisse de 2012. En 2014, tout l’enjeu sera de pouvoir mettre sur pied des partenariats et des relations classiques de centrales à filiales et de partenaires à partenaires.

C’est le rôle que tente de jouer le Medef ?


La logique d’éloignement des entreprises françaises en Iran a rendu caduque leur réseau qui doit être renouvelé. Le Medef va chercher à le remettre en place. Le marché n’est pas resté en hibernation, et de nouveaux dirigeants sont au pouvoir. Il faudra, je pense, attendre les évolutions financières, dont les clés sont plutôt du coté de Washington. L’ouverture des transactions bloquées par le Trésor américain via l’application du système SWIFT va être primordiale. Aujourd’hui vous avez des transactions qui sont illégales parce que les sanctions concernent beaucoup de secteurs. Et même les activités légales sont presqu’impossible puisque vous ne trouverez pas de banque acceptant de monter un système financier France-Iran. Vous imaginez bien que les transferts de "cash", à la limite, peuvent circuler, via quelques institutions en Turquie. C’est envisageable pour des petits business. Par contre, pour des grands groupes, ce n’est réalisable. Si vous ne pouvez pas rapatrier les bénéfices de vos filiales, vous ne pouvez pas faire d’affaire. Le problème, c’est que ça bloque aussi les acteurs présents en Iran, plus occupés à assurer ces flux monétaires plutôt que de développer leurs actions commerciales.


La consommation iranienne (80 millions de consommateurs) est-elle différente des autres pays ?


La consommation iranienne est portée par un secteur pétrolier totalement contrôlé par le régime. La prospection de nouveaux gisements demandent des technologies et surtout des investissements importants. Sur les 5 ou 10 dernières années, l’Iran a de grande difficulté à nouer des partenariats efficaces avec les Chinois. En fait, les savoirs techniques se font rares lorsqu’il faut creuser très profondément. Ce que Total, qui a ces compétences, serait capable de prendre en charge. On peut citer le secteur de l’aviation civile, très vétuste, qui a un retard assez astronomique. Les compagnies connaissent de sérieux encombres pour se réapprovisionner en kérosène ou en pièces de rechange.


A quoi doivent s’attendre les entreprises françaises prévoyant d’investir l’Iran à l’avenir ?


La dynamique du marché iranien est concurrentielle. Et même plus encore entre pays européens. Le trou d’air, qui a fait augmenter par exemple la présence sud-coréenne, ne va pas se résorber comme ça. L’enjeu est de reconsidérer les acteurs de la nouvelle génération qui ont fait la Révolution dans un pays longtemps laissé à la marge. Toute une frange des révolutionnaires sont aujourd’hui aux affaires, qui, contrairement aux religieux, étaient sur les lignes de front Iran-Irak, et revendiquent une forme de légitimité. Mais il y a aussi une jeunesse qui n’a connu ni guerre ni révolution. On a cette double dimension, avec un renouvellement des élites plus propice aux affaires et le fait que des gens ont grandi dans un environnement fermé, moins à même de négocier avec les étrangers.
Propos recueillis par Youness Rhounn

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