mercredi, juillet 01, 2009

Rafsandjani - Khamenei, la guerre sourde des religieux

Source : Liberation du 23 juin 2009


Arrestations, intimidations… Les deux haut dignitaires s’affrontent.

Par JEAN-PIERRE PERRIN

C’est désormais la guerre au sein même du régime. Une guerre impitoyable. Une guerre encore largement secrète mais que révèlent certains indices, comme l’arrestation samedi à Téhéran de Faezeh, la fille de l’ancien président Ali Akbar Hachémi Rafsandjani ; son fils, Mehdi, sur le point d’être capturé, aurait réussi à prendre la fuite. C’est donc une attaque en règle qui se dessine contre ce haut dignitaire du régime, personnalité intouchable et président de deux institutions clés de la révolution islamique. Si la faction dominante au sein du régime s’en prend à lui avec autant de violence, tout en le couvrant de compliments, ce n’est pas seulement parce que Rafsandjani, un hodjatoleslam (rang intermédiaire dans le clergé chiite) conservateur, a financé la campagne du réformateur Moussavi. C’est d’abord parce qu’il orchestre une campagne souterraine dans les milieux religieux dans le but de sanctionner le Guide suprême, Ali Khamenei. Autrement dit, de l’acculer à la démission.

Légitimité. L’opération n’est pas facile. Le Guide est le chef des forces armées et de sécurité. Il nomme le président de l’institution judiciaire et, directement, six des douze membres du Conseil de surveillance de la Constitution, la clé de voûte du système et, indirectement, les six autres. Il incarne à ce point la légitimité théocratique que toute critique de sa personne peut conduire en prison. Un seul organe peut superviser son action et, en théorie, le révoquer, c’est l’Assemblée des experts, que préside justement Rafsandjani.

Depuis le début des événements, Rafsandjani est silencieux. Il n’a pas dénoncé les fraudes dont a été victime Moussavi. Mais, dans la coulisse, il est à la manœuvre. Il s’est rendu dans la puissante ville sainte de Qom, où siège la Howzeh (le bureau des séminaires théologiques). Il y a rencontré le représentant du grand ayatollah Ali Sistani, la plus haute sommité religieuse du chiisme - il réside à Najaf en Irak. Sur Rooyeh.com, proche de la Howzeh, on découvre que Ali Khamenei est sur la sellette. Le site, qui a depuis été bloqué, évoque ainsi la possibilité de sa démission et de son remplacement par «un conseil de guidance», composé de hauts religieux. «Le Guide est le père du peuple. Aujourd’hui, il tend à n’être que celui d’une partie de la population», lui reproche-t-on.

République. Si la bagarre est aussi violente entre le sommet du pouvoir et la mouvance réformatrice, soutenue par une large partie de la jeunesse qui profite de la situation pour contester le système, c’est parce que Moussavi et ses amis se sont rendu compte que le Guide et son champion, Ahmadinejad, voulaient changer la nature du régime. Le métamorphoser de République islamique en «gouvernement islamique», comme on peut le lire sur le site de Moussavi. Ce qui signifie que le régime n’aurait plus besoin de légitimité populaire. Et les réformateurs n’y auraient plus leur place.

Les coups que se donnent les uns et les autres ne sont pas de nature à renforcer le système. «Il reste peu de temps pour sauver le régime. Ne l’utilisez pas pour accélérer sa chute», avertissait hier l’ex-président réformateur Mohammad Khatami.

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