lundi, juin 23, 2008

Melli, la plus grande banque du pays visée par les sanctions de l'Union européenne

AFP, 23 juin 2008

TEHERAN (AFP) — Pressés par Washington, les Européens ont avalisé ce lundi de nouvelles sanctions contre l'Iran, mais restent fidèles à leur politique qui consiste à dialoguer avec Téhéran tout en sanctionnant son refus persistant de cesser tout enrichissement d'uranium.

Les nouvelles sanctions entérinées sans discussion lundi par les ministres européens de l'Agriculture et de la Pêche visent notamment la banque commercialeMelli, première institution financière iranienne avec quelque 3.100 succursales, dont 16 à l'étranger.

Ses activités en Europe, concentrées à Hambourg, Londres et Paris, devraient être interdites dès l'entrée en vigueur de ces mesures, avec leur publication mardi au Journal officiel de l'UE, ont précisé des responsables européens.

La banque Melli, créée le 11 septembre 1923, est la première institution financière du pays avec plus de 3.100 succursales, dont 16 à l'étranger.

La Banque compte actuellement 45.000 employés et disposait, il y a trois ans, d'un capital de 350.000 milliards de rials (32 milliards USD).
Pendant l'année fiscale iranienne 1384 (mars 2005-mars 2006), Melli a émis des lettres de crédit d'une valeur de 5,1 mds USD pour des importations en Iran.

Elle a été créée avec l'aide des Allemands qui l'ont dirigée durant les premières années ayant suivi sa création.

Mi-juin, le Premier ministre britannique Gordon Brown avait annoncé que l'UE allait cibler "la plus grande banque du pays" en gelant des avoirs à l'étranger, dans le cadre de nouvelles sanctions sur le programme nucléaire controversé de Téhéran.
Dans sa dernière résolution, adoptée le 3 mars 2008 contre l'Iran, le Conseil de sécurité de l'ONU avait demandé à tous les pays d'"exercer une vigilance accrue sur toutes les banques domiciliées en Iran, notamment les banques Melli et Saderat".

Plusieurs journaux iraniens avaient récemment rapporté que le président Mahmoud Ahmadinejad avait ordonné le transfert des capitaux iraniens des institutions financières européennes vers les pays asiatiques.

La banque avait démenti dans un texte publié sur son site internet, assurant qu'elle allait maintenir ses activités en Europe.

"La banque Melli continue à maintenir des capitaux et investissements significatifs dans les pays de l'UE et a l'intention de continuer à le faire dans le futur", assurait-elle.

L'Iran possède environ 76 mds USD de réserves en devises étrangères dans les banques et les institutions financières internationales.

jeudi, juin 19, 2008

Inauguration de la de la première banque étrangère en Iran

IRNA, 30 mai 2008

La Banque commerciale Iran-Europe a débuté jeudi ses opérations en Iran; elle fournira des services de change entre le rial et des devises étrangères, dont notamment l'euro, a expliqué le directeur général de la banque Siavosh Naghshineh, dans son discours prononcé mercredi lors de la cérémonie inaugurale de la Banque.
La Banque iranienne de l'industrie et des mines (San'at va Ma'dan) est un actionnaire important de la nouvelle banque.

Le gouverneur de la banque centrale de l'Iran Tahmasb Mazaheri, qui était également présent à la cérémonie d'ouverture, a indiqué que Téhéran avait autorisé plusieurs banques étrangères à créer des succursales en territoire iranien, ajoutant que la CBI était prête à prendre des mesures d'incitation pour favoriser l'ouverture de banques privées en Iran.

Le risque de Renault en Iran

En Iran, Renault risque gros

Nicolas Stiel, pour Challenges - 8 mai 2008

Le retard de la Tondar, la Logan iranienne, met en danger le plan Renault 2009. Retour sur quatre ans de galère, mais le marché est tellement prometteur...

Dans sa concession automobile du centre de Téhéran, Reza Alipour enchaîne les Marlboro sous les portraits des guides suprêmes Khomeyni et Khamenei. En vitrine, deux véhicules de luxe importés et... une Renault Logan. Ou plutôt une Tondar (tonnerre en persan), le nom qu'on lui a donné ici. «Elle n'est pas très sexy, mais ça n'a pas d'importance, dit le distributeur. Ici, le marché est chaud, et je pourrais en vendre des dizaines. Le problème, c'est qu'on ne me livre pas.»

En Iran, la low-cost de Renault a des allures de pétard mouillé. Le fabricant espérait en écouler 100 000 l'an dernier. A peine 15 000 sont sorties des chaînes de production.

Imbroglio politique

Depuis quatre ans, le constructeur français accumule les galères. Stratégie qui évolue au gré des humeurs locales, tiraillements avec les partenaires industriels Iran Khodro et Saipa, guerre ouverte au Majlis, le Parlement, entre partisans et opposants du projet, Renault s'est retrouvé au coeur d'un imbroglio géopolitique qui le dépasse. Avec, cerise sur le gâteau, les sanctions internationales au sujet du dossier nucléaire iranien qui complexifient le financement du programme, les déclarations guerrières de Nicolas Sarkozy et de Bernard Kouchner, et les menaces de frappes militaires émises par les Etats-Unis.

Aujourd'hui, le retard de la Tondar met en péril le plan Renault 2009. Carlos Ghosn s'est engagé à produire l'an prochain 800 000 voitures de plus qu'en 2005, tous modèles confondus. Le patron de Renault compte sur ceux qui vont sortir dans les dix-huit prochains mois. Mais, vu l'état sinistré du marché européen, sa planche de salut, c'est bien Logan. Toutes les Logan. Renault a besoin de l'Iran (250 000 ventes prévues en 2009) pour réussir son plan. Depuis le début de l'année, le rythme de production s'est un peu accéléré : 15 000 voitures au cours des trois premiers mois. «On en produira plus de 100 000 cette année», assure Jean-Michel Kerebel, le patron de la filiale sur place. Mais l'Iran n'a jamais porté chance au constructeur français. Les accords d'assemblage que l'entreprise avait conclus en 1975 et 1992 pour la R5 et la R21 ont été rompus.

Le premier en raison de la révolution. Le second pour cause de volte-face du partenaire. Depuis quinze ans, aucune Renault n'est montée dans l'ancienne Perse. Mais les R5 et les R21 circulent toujours. A l'état de vieilles guimbardes rafistolées. Pas terrible pour l'image de marque. Aussi, quand, en 2002, Idro, le holding de tête d'Iran Khodro et de Saipa, lance un appel d'offres pour rem placer la Paykan, la voiture historique de l'Iran, qui consomme près de 25 litres aux 100, Renault se positionne. Il veut redorer son blason. Il veut surtout s'implanter en Iran. Un pays riche (grâce aux pétrodollars), jeune (la moitié des 70 millions d'habitants a moins de 25 ans) et doté d'un marché de l'automobile en plein boom (1,1 million de voitures vendues l'an dernier). Pour le moment, l'activité des constructeurs étrangers se limite au montage. Ils envoient des pièces détachées, ensuite assemblées par un groupe local. Peugeot, par exemple, dispose d'un accord de licence pour la 405 et la 206 avec Iran Khodro.

Un marché très lucratif (la marge tourne autour de 15%) et très sûr, car le constructeur n'expédie les pièces qu'après avoir été payé. Aujourd'hui, Téhéran veut en finir avec le montage. «Une activité considérée comme indigne par le gouvernement, décrypte Reza Azmoudeh, consultant au cabinet Human Gofteman. L'assemblage, c'est serrer les boulons, être esclave de l'Occident.» Pour le remplacement de la Paykan, la firme retenue devra donc s'engager davantage, investir sur place, générer des transferts de technologie, aider l'Iran à devenir un grand de l'automobile.

Les autorités iraniennes veulent traiter avec Peugeot, qui décline. D'autres constructeurs voient passer le dossier. Sans succès. Renault pense alors à la Logan. Problème, en 2002, elle n'existe pas. Il y a bien l'usine Dacia en Roumanie, prévue pour accueillir le premier modèle en 2004. Vétuste à l'époque, il est plus prudent de ne pas la montrer. Renault crée une diversion et invite les Iraniens à Tokyo pour voir l'état d'avancement de l'alliance avec Nissan. Bien vu ! Mars 2003, une lettre d'intention est signée. Un an après, la société Renault Pars est constituée, détenue à 51% par Renault et à 49% par Idro. Montant du projet : environ 300 millions d'euros.

Contrat drastique

A Iran Khodro et Saipa, la production dans deux usines et la vente. A Renault, la fourniture des pièces et l'exportation. Et les ennuis commencent. Les termes du contrat sont drastiques. La première année, l'ex-Régie doit intégrer 50% du contenu local de la voiture en Iran. Puis passer à 60%. Pas simple. Peugeot localise bien sa 206 à hauteur de 60%.

Mais ce ratio a été obtenu progressivement, sur près de dix ans. Et Peugeot n'a jamais eu à chercher lui-même les sous-traitants. Renault se retrouve en vilaine posture. Il ne connaît pas l'Iran et doit mener une opération commando à la recherche des meilleurs fournisseurs.

Bravaches, les «Renault boys» relèvent le défi .

Ils visitent quelque 200 entreprises, en retiennent 48. Ils découvrent les particularités locales. Exemple, le rythme de travail après Norooz, la fête du Nouvel An, le 21 mars. «La production redémarre doucement, cela durant huit mois, témoigne un expatrié. Lors des quatre derniers mois, les Iraniens cravachent comme des malades pour réaliser leurs chiffres. Mais la qualité s'en ressent.» Pas grave, estime-t-on alors, car les voitures sont destinées au marché local.

Aujourd'hui, les choses ont changé. Mondialisation oblige.

L'idée de fournir des véhicules impeccables en Occident et de tolérer des défauts ail leurs n'est plus acceptable. Pour la Tondar, Renault Pars veut créer une rupture. La filiale met le paquet sur la qualité (plus d'un quart des 360 salariés y sont affectés). Pour des raisons d'économies et de temps, Renault Pars ne sélectionne qu'un seul fournisseur par spécialité. Un gros risque : en cas de défaillance, il se retrouve démuni. Il y aurait bien la solution de faire venir des pièces des autres partenaires du programme Logan, en Roumanie, en Russie ou ail leurs. Mais ils sont tous surbookés. «Le problème de Renault, c'est la montée en cadence des fournisseurs, résume un bon connaisseur du dossier. Ils doivent pouvoir, au même moment, livrer en qualité et en quantité.» Plusieurs n'y arrivent pas. Ils peinent à obtenir des matières premières. Soit en raison de la règle du «double usage» (certains matériaux pouvant aussi être utilisés à des fi ns militaires se retrouvent bloqués aux frontières). Soit parce que les banques, craignant les sanctions américaines, refusent de travailler avec l'Iran.

Le projet prend du retard. Les deux manufacturiers Iran Khodro et Saipa s'impatientent. Ils n'ont jamais été de chauds partisans de la Tondar, qui leur a été imposée par le holding Idro. Ils ont leur propre activité de fabrication à assurer, leurs marques à promouvoir. Pour Renault, pas facile de travailler avec des partenaires qui sont aussi ses concurrents. Et qui ne manquent pas une occasion de lui glisser une peau de banane sous les pieds. «Renault Pars n'a pas d'expérience avec les équipementiers, dit Amir Albadvi, vice-président d'Iran Khodro. S'ils le veulent, on s'en occupe.» Pas question, répond Maxime Boniteau, directeur de la qualité chez Renault.

«L'outillage installé chez les fournisseurs nous appartient. On ne va pas y renoncer.»

Diktat accepté

Ces passes d'armes sont d'aimables plaisanteries à côté des joutes politiques. Surtout depuis l'élection, en juin 2005, de Mahmoud Ahmadinejad. Dur parmi les durs, le nouveau président nomme à la tête de l'Industrie Ali Reza Tahmasebi, un des principaux contempteurs de Renault Pars.

Il estime que la Tondar est une voiture pauvre en technologie qui n'apportera rien à l'Iran. Renault assure du contraire, arguant que son moteur 1,6 litre est le plus sophistiqué de la gamme. «L'Iran est le seul pays où un investisseur amène de l'argent et se fait engueuler», dira un jour Louis Schweitzer. En avril 2006 les conservateurs obtiennent satisfaction. Le projet est suspendu. La raison ?

Un prétexte oiseux sur le pourcentage de voitures dévolues à l'exportation. Renault doit commencer par 10%, puis monter vers 20%. Pour les irréductibles, la formulation est imprécise. Le ratio de 20% ne doit pas être un objectif mais une obligation. Un diktat insupportable pour Renault, dont l'optique est de se concentrer sur le marché local. Mais les Iraniens sont inflexibles. Le temps est de leur côté. Après trois mois de bras de fer, Renault accepte l'oukase. En mars 2007, Iran Khodro et Saipa lancent la campagne de précommande. Elle dure une semaine. Et ils sont 85 000 à s'inscrire et à payer. Pourquoi cet engouement pour une voiture qui n'existe pas encore ? Parce que le marché de l'auto mobile est dicté par l'offre et qu'ici la voiture est un objet de spéculation. Dès que l'acheteur touche son véhicule, il le revend avec une plus-value de 30%. Mais il faut être patient. Aujourd'hui, près de 60 000 clients n'ont toujours pas reçu leur auto.

Avenir incertain

Les premières Tondar sortent à l'été 2007. Elles sont au même niveau que les Logan produites ailleurs. Et 88% des clients se disent satisfaits. «Aujourd'hui, on sort 300 voitures par jour dans les deux usines, indique Maxime Boniteau. On veut arriver à 1 000 à la fin de l'année. Et l'an prochain, on réussira le plan.»

Voire, car, d'ici là, Renault n'est pas à l'abri d'une autre catastrophe. Une échéance importante se déroulera le 4 novembre : l'élection américaine. Un candidat n'aura pas les faveurs locales, c'est le républicain John McCain. Interrogé sur la politique qu'il mènerait dans la région, le sénateur de l'Arizona a répondu en parodiant le tube des Beach Boys, Bar bara Ann : «Bomb bomb bomb, bomb bomb Iran». C'est vrai que depuis quatre ans, Renault a connu beaucoup de tuiles en Iran. Mais pas encore de bombes.

Renault découvre les risques des pays low-cost

Carlos Ghosn est un fonceur-né. Depuis son arrivée à la tête de Renault, en avril 2005, le PDG a mis le turbo sur le programme Logan (une voiture sur cinq produite par Renault est une low-cost) et a investi tous azimuts dans les pays à bas coûts. En Iran, mais aussi en Roumanie, en Russie, en Inde, au Maroc, en Colombie, en Argentine et au Brésil, et même en Afrique du Sud via Nissan. L'an dernier, la production des divisions Euromed, Amériques et Afrique-Asie a progressé de 20, 50 et 32%, dépassant la barre du million de véhicules. Mais ces zones réservent des surprises. Il y a les revendications salariales, comme on l'a vu fin mars avec la grève longue de près de trois semaines des ouvriers de l'usine roumaine Dacia. Il y a le facteur politique, les gouvernements et les ministères qui se succèdent, les patrons des entreprises publiques qui valsent et les changements d'orientation qui en découlent.

Il y a aussi les lenteurs d'une administration souvent tatillonne. En discussion depuis juillet avec l'indien Bajaj pour la fabrication d'une voiture very low-cost, Renault en est au stade de l'étude de faisabilité. Le 29 avril, à l'assemblée générale, Ghosn a néanmoins confirmé ses objectifs de ventes pour le groupe.