Dans un document intitulé « Où
en est-on des sanctions contre l'Iran ? Vade-mecum
pour les entreprises », l’ancien ambassadeur de France à Téhéran,
François NICOULLAUD, chargé d’enseignement à Science-Po, fait le point sur les
sanctions en vigueur contre l’Iran après l’entrée en vigueur de l’accord
nucléaire conclu le 14 juillet 2015 à Vienne.
Il relève que les
sanctions ne sont pas levées et l’Iran ne peut encore retrouver ouverture
économique et prospérité, dès lors que les craintes existent sur les
conséquences d’une implication économique d’entités américaines et européennes.
En effet, d’une
part, l’accord "Joint Comprehensive Program of Action ou JCPOA"
se limite aux questions nucléaires et d’autres sanctions américaines portant
sur la lutte contre le terrorisme et la défense des droits de l’homme étaient
toujours applicables.
C’est dans ces
conditions que les banques européennes restent plus que prudents encore à
prendre parts au financement des projets, dès lors que les risques politiques
et économiques restent encore importants.
Concernant les
sanctions en vigueur il faut en distinguer trois séries : américaines,
européenne et celles des Nations-Unies.
C’est surtout l’effet
extraterritorial des sanctions américaines qui est particulièrement bloquant
pour les opérateurs européens voulant opérer sur le marché iranien. Or les
américains n’ont allégé que les sanctions nucléaires et maintiennent leurs
sanctions pour d’autres motifs que nucléaires (à savoir : la prolifération
balistique, le soutien au terrorisme, "les
activités régionales déstabilisatrices", les atteintes à la
démocratie, aux droits politiques et aux droits de l’homme). Ainsi sauf en
matière des exportations agroalimentaire ou de santé, de logiciels favorisant
le libre échange développement des réseaux sociaux, d’importation de tapis, de
pistaches et de caviars et des exportations aéronautique civil (Boeing), les
entreprises américaines ne peuvent investir en Iran et par là même toute entité
européenne qui aurait des intérêts aux Etats-Unis.
Le 8 octobre 2016, le Département du Trésor des États-Unis a rendu public un document visant à donner le feu vert à certaines transactions en dollars sur le territoire iranien, interdites jusqu'alors. Les autorités américaines ont notamment autorisé à passer des contrats entre l'Iran et le secteur bancaire extraterritorial, à condition que ces derniers ne concernent pas le Département du Trésor, et ont levé l'interdiction de faire des affaires avec les entreprises iraniennes dont le PDG fait l'objet de sanctions du gouvernement américain.
Les sanctions
européennes contre des personnes ou entités responsables d’opération de
répression et d’atteinte aux droits de l’homme, de terrorisme et de
déstabilisation de la région, notamment en Syrie, restent en vigueur qui
incitent les opérateurs économiques souhaitant accéder au marché iranien d’être
très vigilants sur le choix des personnes avec lesquelles ils rentreront en
affaire.
Enfin, les
sanctions des Nations-Unies, ne sont levées que pour celles liées à l’activité nucléaire,
mais pas celles concernant les activités balistiques de l’Iran ni l’embargo sur
le commerce d’armes conventionnelles lourdes. Une exception au cas par cas est cependant
possible dans le cadre du dispositif de filtrage mis en place par le JCPOA,
mais il existe toujours la possibilité de revenir sur ses sanctions à la
demande d’un des six Etats du Conseil de sécurité qui en ont voté la
suppression (mécanisme de snap-back,
qui cependant n’aura pas d’effet rétroactif).
Les opérateurs
économiques et financiers sont donc face à un dilemme : ne prendre aucun risque
(ce qui serait contraire à l’activité commerciale capitalistique) ou prendre
des risques mesurés. En tous cas, il convient qu’ils s’engagent en toute
connaissance de cause, pour qu’en cas de violation des sanctions notamment
américaines, ils puissent démontrer que tout a été entrepris pour éviter cette
violation et que l’intention n’y était pas. Ainsi, l’accès au marché iranien
devra se faire avec précaution et doit être accompagné d’études d’intelligence
économique et de due diligence.
S’entourer d’un cabinet d’avocat qui connaît ce marché (et son environnement économique, politique, social et culturel) est donc un
préalable nécessaire. Il saura intervenir non pas
simplement sur les aspects purement juridiques, mais surtout dans le choix des
partenaires (due diligence) ou encore dans les négociations parfois assez
longues et complexes.
C'est pourquoi, au-delà de l'emballement médiatique, l’accès au marché iranien devra se faire avec prudence et une
certaine patience mais le jeu en vaut la chandelle dans ce marché de 80 millions d'habitant qui dispose d'une main d'oeuvre qualifiée et motivée. De notre connaissance pratique, très peu d’entreprises qui s’y sont risquées ont eu à le
regretter.
Zia Oloumi, Avocat franco-iranien, Docteur en droit, octobre 2016
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