L'Iran affiche un potentiel unique pour les
constructeurs aéronautiques.
L’Iran, qui entraperçoit une levée des sanctions
américaines, dévoile "un marché de 400 à 500 appareils sur les 10
prochaines années" selon son ministre des transports, Abbas Akhoundi.
L’aviation iranienne, de retour aux affaires?
Dans les années 70, Iran Air, la compagnie basée à Téhéran et créée en
1962, était la fierté de la région. Dans les petits papiers américains, la
flotte du transporteur iranien comptait alors des Boeing flambants neufs et
deux Concorde étaient en cours d’acquisition. Pourtant, après la révolution
iranienne de 1979, l’embargo économique décrété par les Etats-Unis a réduit
l’industrie du pays à un état végétatif. Bien que l’Iran compte toujours
plusieurs compagnies aériennes assurant des liaisons internationales et
domestiques, les flottes iraniennes battent des records de vétusté.
Les flottes, composées d’avions de seconde main souvent réparés avec des
pièces glanées au marché noir, affichent une inquiétante moyenne d’âge de plus
de vingt-trois ans, le double de la moyenne mondiale. La perspective d’une
levée des sanctions suite à l’accord de Vienne signé le 14 juillet 2014 offre
de nouvelles possibilités à l’Iran. Le transport aérien iranien pourrait ainsi
tenter de se revitaliser en acquérant des nouveaux appareils d’une part et de
nouvelles pièces pour la maintenance d’autre part. L’aviation iranienne accuse
en effet un retard conséquent en comparaison des standards internationaux, tant
avec les compagnies historiques occidentales qu’avec ses concurrents plus directs
du Golfe.
Fort d’une population de près de 80 millions d’habitants et d’un marché
domestique à grand potentiel, l’Iran fait tourner la tête des mastodontes du
secteur, Boeing et Airbus. Mohammad Khodakarami, directeur de l’Organisation de
l’Aviation Civile Iranienne affirme : "nous avons plus de vingt
millions de passagers par an sur les vols domestiques et six millions sur les
vols internationaux. La croissance de l’aviation iranienne est de 6% par an
malgré les sanctions et nous prévoyons une croissance d’au moins 10% par an
pendant dix ans si les sanctions sont levées", il poursuit "beaucoup
d’avions sont aujourd’hui cloués au sol pour réparation, nous avons maintenant
besoin de long-courriers dernières générations pour les remplacer et développer
notre réseau international". Nul doute, que de tels changements
diminueraient les coûts opérationnels liés au carburant et à la maintenance et
permettrait au pays de se rapprocher des compagnies internationales. Rob
Morris, consultant en chef pour Flightglobal confirme les chiffres avancés par
les autorités iraniennes et parle de "quatre cents nouveaux avions
commerciaux pour un montant estimé à vingt milliards de dollars sur les dix
prochaines années".
L’Iran dispose en plus d’un marché concurrentiel performant comme en
témoigne la récente montée en puissance de la compagnie aérienne privée Mahan
Air qui vient sérieusement menacer la compagnie nationale Iran Air. Même si
Téhéran est aujourd’hui desservie par les compagnies de la région telles
qu’Emirates, FlyDubai ou encore Etihad, on peut imaginer que la levée des
sanctions permette aux compagnies iraniennes de s’adjuger des parts de marché
du trafic international. Le PDG de Iran Air, Farhad Parvaresh confie d’ailleurs
que "la visée finale d’Iran Air est de faire concurrence aux
compagnies du Golfe". Téhéran est d’ailleurs idéalement située pour
s’imposer comme un hub international à l’instar de Dubaï, Doha ou encore
Istanbul avec des temps de vol avantageux par rapport à ses concurrents.
Les challenges à surmonter avant la renaissance
Il n’est rien de dire que l’éclosion du transport aérien iranien est
conditionnée au succès du programme signé à Vienne par l’Iran et six puissances
mondiales. Après le congrès américain, c’est le parlement iranien qui a
entériné l’accord multipartite le 20 octobre dernier, accord préalable à toute
levée des sanctions économiques qui s’exercent sur le régime de Téhéran. Une
suspension éventuelle des sanctions dépendra en tout état de cause de la
vitesse avec laquelle les Iraniens démantèleront leurs installations
nucléaires, les différentes diplomaties concernées s’entendent sur un horizon
d’a minima quelques mois. Néanmoins des éléments permettent d’imaginer une
issue positive, en effet Boeing a d’ores et déjà livré du matériel aéronautique
à Iran Air durant l’année 2014 en marge des négociations, cette opération ayant
été autorisée par le Trésor américain.
L’Iran devra ensuite être capable de financer ces nouveaux avions. Compte
tenu des délais en vigueur pour avoir accès aux dernières générations d’avions,
l’Iran pourrait utiliser le leasing (location) dans un premier temps pour
amorcer la transition vers une flotte compétitive et moderne. La compagnie
aérienne a ensuite la possibilité d’acheter l’avion ou non. Ce format de
financement permettrait aux compagnies aériennes iraniennes de bénéficier
d’avions dans des délais courts ainsi que de flexibilité pour gérer leurs
flottes.
En situation de duopole sur le long-courrier, Airbus et Boeing devraient
s’imposer sur ce marché, l’occasion pour eux de placer des superjumbos type
A380 et 747-8 qui ont encore du mal à trouver leur marché. Même si Fabrice
Brégier, PDG d’Airbus, considère l’Iran comme "un gros
potentiel", le marché des monocouloirs n’est pas forcément acquis
aux deux géants. En effet, l’Iran préfèrera peut être privilégier les liens
qu’elle entretient avec la Chine et la Russie. Le Sukhoi SuperJet 100 pourrait
être un premier candidat bien que proposant un emport passager de moins de cent
passagers contre 180 pour un A320 par exemple. La solution pourrait alors venir
du dernier né du chinois COMAC. En effet, le C919, récemment présenté aux yeux
du public, affiche un emport de 190 passagers et le même moteur Leap-1C que les
dernières générations de Boeing et d’Airbus permettant des économies de
carburant de l’ordre de 10%. Même si la mise en service du C919 n’est pas
prévue avant 2019, la Chine affiche de grandes ambitions pour son avion. Les
constructeurs COMAC, Sukhoi mais également ATR, Bombardier ou Embraer auront
donc leur mot à dire.
Enfin, l’Iran doit se doter des infrastructures à la hauteur de son
ambition. Pour que Téhéran puisse s’imposer comme un hub international, il
faudra soigner l’image de l’aéroport de l’Imam Khomeini qui fait pour l’instant
pâle figure en comparaison des autres hubs de la région. Les autorités
iraniennes ont prévu un plan d’investissement de huit milliards de dollars pour
développer les infrastructures aéroportuaires de la région.
L’Iran, un marché parmi d’autres
Le potentiel du marché iranien apparaît comme une manne pour les acteurs du
secteur. Il convient tout de même de relativiser ces chiffres à l’aune des
pratiques du secteur. En effet, à l’échelle d’un pays, quelques centaines
d’appareils peut sembler modeste, spécialement quand on compare ces chiffres
aux commandes de pays émergents. Ainsi, la compagnie indienne Jet Airways vient
de passer commande pour 75 Boeing 737MAX, lors du Dubaï Air Show 2015. De même,
Boeing prévoit un besoin de plus de six mille avions en Chine durant les vingt
prochaines années, ainsi les besoins comparés de la Chine et de l’Iran
seraient de trois cents appareils/an contre quarante.
Source : http://www.aeroweb-fr.net
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