jeudi, décembre 20, 2012

Les pétrodollars iraniens peuvent-ils sauver Petroplus ?



© AFP
- France24.com du 4 décembre 2012

Comme si le dossier de la reprise de la raffinerie de Petroplus n’était pas assez compliqué comme ça, une touche d’imbroglio géopolique vient de s’ajouter au tableau avec un potentiel repreneur iranien - la société de production et de raffinage Tadbir Energy - qui a remis, mardi 4 décembre, un dossier au tribunal de commerce de Rouen.

Cet intérêt pour le site normand en péril, d’abord révélé par Le Figaro, a pu être confirmé à FRANCE 24 de source syndicale. “Les représentants de Tadbir Energy se sont bien rendus au tribunal de commerce, mais on ne sait pas, à l’heure actuelle, s’il s’agit d’une offre ferme ou d’une lettre d’intention”, a expliqué à FRANCE 24 Laurent Patinier, délégué CFDT de l’intersyndicale en charge du dossier Petroplus.

En fait, Tadbir Energy, une filiale de la puissante et riche fondation caritative Imam Khomeiny, n’est pas un invité surprise de dernière minute. “La société s’est montrée intéressée depuis avril dernier et a déjà fait parvenir plusieurs lettres d’intention”, confirme Laurent Patinier. Dans une proposition que ce syndicaliste a pu consulter en novembre dernier, Tadbir Energy s’engageait à reprendre l’intégralité du site en conservant les 550 emplois de la raffinerie.

Si la présence d’un Iranien sur la liste des six repreneurs potentiels (dont l'irakien Jabs Gulf Energy Ltd et Alafandi Petroleum Group, un controversé groupe basé à Hong-Kong) de Petroplus peut surprendre au regard des sanctions économiques qui frappent la république islamique, elle n’est pas illégale. Tadbir Energy est, en effet, une entreprise privée qui n’apparaît pas sur les listes noires des groupes iraniens avec lesquels il est interdit de faire de affaires.

Intérêt économique limité

Seul hic, mais de taille : Tadbir Energy ne pourra pas, en cas de reprise de Petroplus, faire venir le pétrole iranien pour le faire raffiner en France. L'importation d’or noir iranien est en effet “interdit depuis le 1er juillet sur tout le territoire de l'Union européenne, en vertu d'un règlement adopté le 23 mars 2012 par le Conseil européen”, rappelle ainsi Le Figaro. Dans sa lettre d’intention de novembre, la société précisait d’ailleurs qu’elle ne comptait pas raffiner du brut iranien en Normandie.
Du coup, si Petroplus ne peut pas servir de débouché en Europe pour l’or noir perse, l’intérêt économique de la reprise du site peut paraître abscons. Tadbir sera obligée de traiter du pétrole livré par une autre entreprise. “Le raffinage n’est pas une activité très rentable car les marges sont assez faibles”, explique à FRANCE 24 Céline Antonin, spécialiste des questions d’énergie à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Pour cette spécialiste, économiquement, une telle reprise ne fait sens que si Tadbir Energy considère le site comme un investissement d’avenir. Petroplus pourrait devenir la première pépite européenne iranienne le jour où les sanctions deviendront moins contraignantes. D’autant plus que cette raffinerie est équipée pour traiter justement le type de pétrole extrait en Iran.

Paris plus “sanctionniste” que les États-Unis

Mais il n’y a pas que l’économie dans la vie. Avec l’Iran, la géopolitique n’est jamais très loin. “À mon sens, il s’agit plutôt d’un pavé dans la mare de la position française”, affirme à FRANCE 24 Bernard Hourcade, spécialiste de l’Iran et directeur de recherche émérite au CNRS. Depuis l’époque de Nicolas Sarkozy, Paris “est plus ‘sanctionniste’ que les États-Unis”, confirme-t-il. Pour lui, la démarche de Tadbir Energy permet à Téhéran de “pointer les contradictions des sanctions internationales en démontrant que les pétrodollars iraniens peuvent servir à sauver des emplois en France”.

Petroplus serait ainsi un pion dans le jeu diplomatique de l’Iran. Une offensive menée, en outre, à un moment charnière : “Depuis la réélection de Barack Obama, la position américaine s’est infléchie et Washington se montre désormais plus ouvert à un dialogue direct avec l’Iran”, relève encore Bernard Hourcade. Que l’offensive de Tadbir Energy aboutisse ou non, Téhéran espèrerait donc, au moins, faire bouger les lignes diplomatiques en France.

L’avenir des 550 salariés de Petroplus serait donc la nouvelle carte maîtresse de Téhéran ? Un rôle qui ne dérange pas Laurent Patinier. “Les questions géopolitiques m’intéressent beaucoup moins à l’heure actuelle que le maintien de l’emploi à Petroplus”, conclut ce syndicaliste.

Raffinerie de Petroplus : des Iraniens candidats à la reprise

Source : lefigaro.fr du 3 décembre 2012 Tadbir Energy, filiale de la fondation Imam Khomeiny, a déposé son offre ce mardi, pour reprendre la raffinerie de Petit-Couronne, menacée de liquidation après le dépôt de bilan de Petroplus. Une fois n’est pas coutume, un parfum de haute géopolitique embaumera l’audience du mardi 4 décembre 2012 du tribunal de commerce de Rouen. Consacrée au dossier de la raffinerie de Petit-Couronne, menacée de liquidation après le dépôt de bilan de Petroplus, elle entendra une offre de reprise pour le moins inattendue. Représentée par son directeur général et son directeur juridique, venus tout exprès de Téhéran, la société iranienne Tadbir Energy, grand exploitant et raffineur chez elle, filiale de la richissime fondation Imam Khomeiny, proposera une reprise de l’ensemble du site normand, avec garantie de maintien des 550 emplois concernés. L’intérêt des Perses d’avoir un débouché direct pour leur pétrole sur un bassin industriel aussi actif que l’Ile-de-France saute aux yeux, d’autant plus que la raffinerie de Petit-Couronne est configurée pour la viscosité du brut iranien. Mais il y a un tout petit problème : à titre de sanction, l’importation de pétrole iranien est interdite depuis le 1er juillet sur tout le territoire de l’Union européenne, en vertu d’un règlement adopté le 23 mars 2012 par le Conseil européen… Les Iraniens font-ils le pari qu’un accord politique sera trouvé sur le nucléaire entre leur gouvernement et les Occidentaux dans le courant de l’année 2013 ? Ont-ils des informations sur un possible arrangement entre Washington, Téhéran et Vienne (siège de l’Agence internationale de l’énergie atomique) ? Ou la société Tadbir cherche-t-elle seulement à bien placer son argent ? Hors de la liste noire Son projet industriel est d’autant plus paradoxal que, depuis la présidence Sarkozy, la France est plus royaliste que le roi (américain) sur le dossier nucléaire iranien. Paris est toujours le premier à vouloir durcir le bras de fer avec Téhéran. Tadbir n’a-t-il pas peur que le tribunal, sur un tel sujet géopolitique, se range à l’avis forcément négatif du Quai d’Orsay ? « Il ne s’agit pas de géopolitique, mais d’industrie ! », tempête Xavier Houzel, le mandataire français de Tadbir. « Si Tadbir avait le moindre rapport avec le nucléaire, elle serait sur la liste. Or elle n’y est pas ! » Le Conseil européen a rédigé une liste noire d’entreprises iraniennes interdites de business sur le sol européen. Mais au cas où le tribunal, dans un accès d’indépendance, retiendrait la proposition iranienne surgirait immédiatement un autre obstacle : Shell. Sur pression du gouvernement Fillon, la major avait accepté de fournir du pétrole à l’exploitation de la raffinerie, jusqu’au 15 décembre 2012. Acceptera-t-elle de poursuivre encore six mois pour les beaux yeux des Iraniens (de manière à permettre à Tadbir de procéder à un état des lieux et de préparer un « grand arrêt », sorte de rénovation générale) ? La multinationale anglo-hollandaise ne craindra-t-elle pas de devenir immédiatement la cible des puissants lobbies anti-iraniens aux États-Unis ? En fait, c’est avec les administrateurs judiciaires que traiterait Shell et non avec le « diable » iranien. En tout état de cause, le choix du repreneur - ou la liquidation - doit être prononcé par le tribunal le 5 février 2013. Le feuilleton, animé ces derniers jours par les allers-retours de l’hypothèse d’une candidature libyenne, se pimente…