lundi, novembre 19, 2012

L'Iran, marché de plus en plus délicat pour les industriels français

L'Iran, marché de plus en plus délicat pour les industriels français

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L'Union européenne a interdit aux institutions iraniennes l'accès au réseau de transferts interbancaires Swift. Une décision qui  paralyse une bonne partie des importations et des exportations. Premières touchées, l'industrie automobile et les équipementiers agroalimentaires.
La pression monte sur PSA. L'association américaine UANI (United against nuclear Iran) a appelé General Motors à peser sur Peugeot PSA Citröen pour que celui-ci mette fin à ses activités en Iran. "En tant que partenaire et désormais détenteur officiel d'une part dans Peugeot, GPM doit à ses investisseurs et clients de forcer Peugeot à mettre fin à ses activités en Iran", explique Mark Wallace, directeur de l'UANI.
En réponse GM, indique que la production est pour l'instant suspendue. Des mesures de chômage technique ont en effet été prise dans l'atelier de l'usine de Vesoul qui produit des kits de pièces à destination de l'Iran. "De source interne, on apprend qu'ils n'ont pas une telle situation depuis 1991", explique Florent Couvreur, analyste chez CM CIC Securities.
L'activisme côté américain est une mauvaise nouvelle pour la marque au Lion, qui pâtit déjà du regain de tension entre l'Union européenne et l'Iran. La décision prise par l'Union européenne, début janvier, d'interdire aux institutions iraniennes l'accès au réseau de transferts interbancaires Swift, et paralyse une bonne partie des importations et des exportations.
Présent dans le pays depuis 1978, PSA y expédie chaque année 300 000 à 400 000 kits à son partenaire local Iran Khodro (IKCO), qui assemble ensuite sous licence des 206 et des 405. Comme les transactions financières vers l'étranger sont réduites a minima les entreprises iraniennes comme Iran Khodro ne peuvent plus régler leurs achats. L'enjeu n'est pas mince : le marché iranien représente 2% du chiffre d'affaires de la division automobile du constructeur français, soit environ 120 millions d'euros selon nos sources. A Vesoul un nouveau comité d'entreprise est prévu ce vendredi.
"En 2011, le marché iranien représentait 1,6 millions de véhicules, note un opérateur de la filière automobile française. La situation n'est pas simple, notamment pour les équipementiers et certains industriels ont déjà quitté le pays…" Selon Florent Couvreur, les ventes de Renault auraient doublé, passant de 20 000 véhicules sur les deux premiers mois de l'année contre 9 000 l'année dernière.
Par rapport à PSA, Renault possède l'avantage de disposer d'une usine sur place, qui assemble notamment des Logan. Si les débuts de ses activités ont été compliqués et que les relations avec le gouvernement iranien ne sont pas simple, le groupe y produirait environ 90 000 véhicules par an. Loin des 400 000 véhicules initialement prévus quand le groupe a attaqué ce marché. L'Iran est tout de même devenu le quatrième marché pour la gamme low-cost du constructeur, et le dixième marché du constructeur en volumes (93 578 véhicules vendus en 2011).

UN ENJEU POUR LES GRANDS DE L'AGROALIMENTAIRE
Les difficultés des opérateurs français pourraient bénéficier à la concurrence : "Kia est un gros concurrent sur place et les Coréens sont mieux perçus que les Français, note un observateur du marché. Et ils ne sont pas assujettis aux sanctions européennes. Au final, les Coréens, les Chinois risquent d'emporter le marché".
Les constructeurs auto ne sont pas les seuls touchés. La filière agroalimentaire s'intéresse également à L'Iran. "C'est un gros marché qui a eu une période faste. Avec 90 millions d'habitants, c'est deux fois l'Arabie Saoudite", explique Florian de Saint-Vincent, responsable de la zone Afrique, Proche et Moyen-Orient à l'Adepta (Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires), qui aide les entreprises françaises à l'export.
La distribution occidentale, par exemple Carrefour, s'y est implantée il y a quelques années notamment dans la région de Téhéran. Pour les grands de l'agroalimentaire, le marché iranien est un enjeu: Danone est présent sur le marché avec un partenaire sur les produits laitiers, Sahar, et a ouvert une usine en 2011. Il est également présent sur l'eau avec la marque Damavand, produite localement, et sur la nutrition infantile. Bel y vend des produits, et Lactalis, bien implanté dans la zone, regarde avec attention.
"Une industrie agroalimentaire locale s'est également développée avec un outil de production de qualité", poursuit Florian de Saint-Vincent. Les besoins sont importants, notamment pour l'industrie laitière, les boissons et le secteur de l'emballage. Il y a des marchés à prendre pour les équipementiers français. "Depuis l'embargo, la position s'est durcie. Il est difficile pour les opérateurs d'être payés. Il y a encore des affaires qui se font, surtout pour les industriels qui ont des représentations dans le pays, soit des bureaux commerciaux, des agents ou des partenaires. Aujourd'hui, on ne peut quasiment plus rien faire sur ce marché sans ancrage local", explique le responsable de l'Adepta.
Du coup, la filière est en veille. Comme tous les ans, l'Adepta emmène une délégation d'industriels au salon "food + bev" à Téhéran du 27 au 30 mai. Cette année, ils seront en formation réduite… "Aux industriels qui ont parfois dix à quinze ans de prospection derrière eux, nous conseillons de rester présents en veille afin de remettre le paquet le jour où il le faudra". En attendant, les sanctions font les affaires des équipementiers turques, qui accèdent plus facilement au marché.

Par Pauline Ducamp et Patrick Déniel

Source : Usine Nouvelle, AFP